Ce qu'il faut voir ou pas cette semaine.
L’ÉVENEMENT
LA MOMIE ★★☆☆☆
D’Alex Kurtzman
L’essentiel
Lancement du Dark Universe à moitié réussi.
Il n’aura échappé à personne qu’ici, l’idée est moins le film en soi (une nouvelle résurrection de La Momie) que le lancement d’un univers cinéma qui pourra concurrencer le DCU (les superhéros DC) et le MCU (Marvel). Ici s’originerait donc le Dark Universe donc qui devra aligner tous les monstres mités du catalogue Universal. Et pourquoi pas. Après tout, dans une ère où tout est devenu plus gros (le nombre de films, la durée de la saison, l’échelle des succès et des fours), où le blockbuster moderne est rongé par l’inflation des budgets et la nécessaire colonisation des marchés étrangers, par la maladie du reboot à celle du registre « dark and serious », ce rajeunissement de l’héroïne à bandelette n’est pas totalement incongru. Pourquoi pas…
Ce qui l’est un peu plus (incongru) c’est la manière dont Alex Kurtzman l’a fait. Il y a clairement trop de films dans La Momie. La première demi-heure est une comédie d’aventure qui flirte avec la parodie. Tom Cruise joue un Indiana Jones (même flegme, même punchline) avec une décontraction et un savoir-faire technique toujours bluffant. Rapidité et humour. Très cool, très Cruise. Mais voilà que le film vrille vers le fantastique avec Sofia Boutella en momie et Russel Crowe en Dr Jekyll. Là ce n’est plus Indiana Jones, mais The Walking Dead qui est en ligne de mire… Et si les producteurs ont mis la gomme sur la déco et les écroulements d’immeubles sur les stars, les problèmes commencent avec la résurrection de la princesse malfaisante en plein XXe siècle, qui oblige à fréquenter à chaque plan une créature décomposée vulgaire qui ne fait peur à personne. Pas même aux personnages «réels», égyptologues et aventuriers perdus dans Londres ou dans la rôtissoire du désert. Pendant que les stars courent ou se battent, à la moitié du film le spectateur pense déjà au film suivant. La logique hollywoodienne à l’état pur.
Pierre Lunn
PREMIÈRE A AIMÉ
CE QUI NOUS LIE ★★★★☆
De Cédric Klapisch
Dans Le Péril jeune, une bande de copains se réunissait pour honorer la mémoire de l’un d’entre eux. La mort enclenche à nouveau les choses dans Ce qui nous lie où il est par ailleurs question d’un retour : Jean revient au domaine viticole après des années d’exil pour aller au chevet de son père malade -qui décède peu après. Sur place, il tente de retisser du lien avec sa sœur et son frère cadets qui ont fait tourner la propriété sans lui et qui encaissent mal ses désirs d’héritage. Le pardon est-il soluble dans un verre de Bourgogne (l’action se passe dans le vignoble de la côte de Beaune) ?
Christophe Narbonne
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PREMIÈRE A PLUTÔT AIMÉ
NOTHINGWOOD ★★★☆☆
De Sonia Kronlund
Vous connaissiez Hollywood, Bollywood, soyez les bienvenus à Nothingwood. Où comment fabriquer du cinéma avec trois fois rien, dans un pays en guerre perpétuelle, au milieu des combats, des assauts des talibans, des lapidations et des attentats-suicides. Ce documentaire colle aux basques de la célébrité locale Salim Shaheen, au moment où celui-ci met en boîte son 111e film (en trente ans de carrière). Shaheen est un baratineur irrésistible, un phénomène, sorte d’avatar do-it-yourself de P.T. Barnum, un croisement oriental et bedonnant entre Ed Wood, Menahem Golan, William Castle et Harvey Weinstein.
Frédéric Foubert
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NOS PATRIOTES ★★★☆☆
De Gabriel Le Bomin
Après la débâcle de l’armée française en 1940, la France se retrouve sous le coup de l’Occupation Nazie et plusieurs milliers de tirailleurs sénégalais sont emprisonnés dans les camps allemands. Addi Ba est l’un d’eux mais réussit à s’échapper. Une institutrice, qui l’a sauvé d’une mort certaine, va lui faire intégrer un groupe de résistants. Nos Patriotes est un film fort sur l’une des périodes les plus compliquées de l’histoire de notre pays. Sur le papier, Gabriel Le Bomin respecte le cahier des charges : opération de sabotage, création du maquis de Vosges, exactions dans l'ombre et cache-cache avec l'armée allemande... Mais pour raconter l'histoire vraie d'Addi Ba, le réalisateur évite de tomber dans le tire-larme facile et le spectaculaire gratuit, préférant délivrer une œuvre romanesque à la restitution historique crédible.
François Rieux
CREEPY ★★★☆☆
De Kiyoshi Kurosawa
Cinéaste aussi passionnant qu’inégal, touche-à-tout risque-tout, Kiyoshi Kurosawa signe avec Creepy un thriller qui fait écho à Cure, son grand film malade. Dans les deux cas, il est question de contamination du Mal par le truchement d’un personnage maléfique dont la réalité (ou plutôt, le réalisme) prête à caution. Avant d’en arriver là, KK digresse pas mal : le héros, un ex-flic expert en criminologie, enquête sur un « cold case » tandis que son épouse tente maladroitement de nouer des liens avec ses voisins. Il faut attendre prêt d’1h30 (c’est un peu long) pour que ces deux intrigues parallèles se rejoignent pour former un tout assez cohérent qui aboutit à une vaste réflexion sur la nature humaine et, plus précisément, sur la normalité. C’est quoi être « normal » ? Faire la cuisine pour son mari ? Ne pas négliger sa femme ? Socialiser à tout prix, même avec des cons ? Croire au Bien et au Mal ? Kurosawa se garde bien d’apporter des réponses toutes faites et recourt à l’humour noir pour nous préparer au pire. On peut lui reprocher un certain maniérisme et une tendance au grand-guignol mais KK, au moins, a le mérite d’oser. C’est même à ça qu’on le reconnaît.
Christophe Narbonne
PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
FREE FIRE ★★☆☆☆
De Ben Wheatley
Sur le papier, Free Fire avait tout pour défouler les amateurs de comédies d'action : une fusillade d'1h30 se déroulant dans les années 1970, Reservoir Dogs en guise de modèle principal, le réalisateur de Kill List aux commandes, Martin Scorsese à la production et une pléiade d'acteurs talentueux, de Cillian Murphy à Brie Larson en passant par Sharlto Copley, Armie Hammer et le fidèle Michael Smiley… Malheureusement, Ben Wheatley n'a pas l'aisance visuelle de ses aînés Quentin Tarantino ou Guy Ritchie (période Snatch). Si le concept est fun, il est trop étiré pour accrocher le public jusqu'au bout. Un exemple frappant ? L'idée de blesser tous les protagonistes dès le début des échanges de tirs pourrait être excellente, à condition d'en tirer une mise en scène originale et fluide, mais là, à part un personnage obligé de ramper dans les escaliers pour tenter d'atteindre un téléphone, seul moyen de communication vers l'extérieur, on a du mal à suivre qui affronte qui. Les balles fusent, les insultes aussi -et elles sont souvent drôles- mais rapidement, le spectateur s'embrouille. « Il était pas mort, lui ? Et son adversaire a encore des munitions ? » Comme son prédécesseur High-Rise, Free Fire finit par épuiser à force de partir dans tous les sens. Dommage.
Élodie Bardinet
RETOUR À MONTAUK ★★☆☆☆
De Volker Schlöndorff
Un célèbre écrivain allemand revient à New York pour la promotion de son nouveau livre. Sur place, il reprend contact avec Rebecca, la femme qu’il aima dix-sept ans auparavant. La flamme est-elle vraiment éteinte ? C’est ce que les deux personnages vont découvrir en passant un week-end à Montauk, enclave maritime au bout de Long Island, où Volker Schlöndorff situe le pic émotionnel de son mélo amoureux. Avant d’en arriver là, il dépeint de façon un peu cliché la routine de Max Zorn, écrivain partagé entre sa jeune femme aimante et admirative et ses obligations promotionnelles de star de la littérature. Paresseusement filmé (on ne compte pas les faux raccords), Retour à Montauk vaut donc avant tout pour cette explication de texte sur fond de plage battue par le vent (sic) où les protagonistes évoquent avec sensibilité les erreurs de jugement qui les ont conduits à se séparer. Cela aurait pu faire un joli court métrage.
Christophe Narbonne
CELLE QUI VIVRA ★★☆☆☆
D’Amor Hakkar
Située à trois époques différentes (en 1980, pendant la guerre d’Algérie et pendant l’Occupation), l’action réunit deux femmes, une sexagénaire hantée par la mort de son fils en Algérie et une institutrice, témoin du drame lorsqu’elle était enfant. Ensemble, elles remontent le temps... Juste dans sa description des crimes de guerre et de la défaillance morale qui les accompagne, Celle qui vivra (signification d’Aïcha, le prénom de la jeune femme) pêche par une direction artistique et d’acteurs qui frise l’amateurisme. Le manque de cinéma est compensé par la dignité du script.
Christophe Narbonne
PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ
UN, DEUX, TROIS ★☆☆☆☆
De Mathieu Gari
Malgré une mise en scène intimiste et tout le bon vouloir de son trio principal, cette histoire de braqueurs incapables de se ranger des bagnoles doublée d'un triangle amoureux non-assumé peine à convaincre sur la longueur. La faute peut-être à un scénario trop mince qui laisse place à des scènes hautement improbables (la palme revenant à celle où les protagonistes braquent en pleine journée et à visage découvert un banquier avant de le kidnapper et le séquestrer) servi par des dialogues souvent surjoués. Entre clichés auteuristes et gangsters en mousse.
François Rieux
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