L’héroïne de Jeune femme incarne avec superbe dans Passion simple une femme emportée par une histoire d’amour dévorante. A l’image de l’actrice qu’elle est : intense, enthousiaste et volubile.
Elle fait partie de ces actrices qui ne laissent jamais un film dans l’état dans lequel il se trouvait avant qu’elle n’y déboule. Avec une énergie et une puissance de jeu qui rejaillissent sur ses partenaires sans jamais les écraser. En mai dernier, sans ce foutu virus qui a mis la planète à l’arrêt, Laetitia Dosch aurait dû briller sur la Croisette avec Passion simple, l’adaptation par Danielle Arbid de la passion amoureuse vécue et décrite par Annie Ernaux avec un homme marié dans son célèbre livre. Mais qu’importe ! Le film existe et on peut admirer en ce début 2021 tout ce qu’elle a apporté à ce rôle pour lequel la réalisatrice a longtemps cherché son interprète. « Danielle a pris le parti de montrer les scènes d’amour qu’Annie Ernaux ne décrivait pas dans son livre. Elle voulait qu’il y en ait beaucoup et qu’elles soient toutes différentes pour montrer la relation qui évolue entre ce couple qui ne se voit qu’au lit. Et ainsi faire ressentir la passion comme le manque. » Beaucoup d’actrices ont décliné. Laetitia Dosch y a plongé avec passion. « Je trouvais formidable qu’une cinéaste s’attaque avec cette précision- là à ces scènes physiques, rarement bien traitées au cinéma. Exposer son corps c’est pourtant se mettre en danger, en face de ses complexes. C’était donc un défi pour moi mais je m’y suis lancée car je trouvais l’histoire essentielle. Or quand je joue un personnage, je ne fais pas juste mon métier, je dis aussi quelque chose d’intime de moi. Et ce rôle de femme qui, dans cette apparente dépendance, redécouvre son corps et son désir me passionnait. » Elle s’amuse aussi qu’il soit à contre- courant du féminisme de notre époque. « C’est évidemment formidable qu’il y ait au cinéma des femmes fortes qui n’en ont rien à faire des hommes mais c’est bien qu’on y voit aussi l’inverse, des femmes qui aient très envie d’être dépendantes. Pour moi, le cinéma n’a pas à être monocolore mais doit permettre au spectateur à se positionner. »
PASSION SIMPLE: UNE ADAPTATION REUSSIE D'ANNIE ERNAUX [CRITIQUE]L’aisance avec laquelle Laetitia Dosch incarne ce rôle très physique doit beaucoup aux spectacles de théâtre, de danse et de cabaret qu’elle a interprétés, souvent en les créant et les mettant en scène elle- même. Mais au départ, c’est le cinéma et non la scène qui l’attirait. « Je voulais être Meryl Streep tant j’étais éblouie par ce qu’elle donne et comprend de l’âme humaine. Quand on la voit jouer, faire du cinéma devient le plus beau métier du monde. » Sauf que longtemps, le cinéma s’est refusé à elle. En tout cas les rôles qu’elle avait envie d’incarner. Mais, heureusement, il y eut des rencontres. Décisives. « On ne peut pas être actrice seule chez soi. Il faut quelqu’un qui pose un regard sur vous et vous révèle dans tous les sens du terme, y compris des choses de vous que vous ne soupçonniez pas ». Elles sont trois à l’avoir fait. Trois réalisatrices. Justine Triet avec La Bataille de Solferino, Léonor Serraille avec Jeune femme et aujourd’hui Danielle Arbid. « Trois personnalités différentes mais qui ont en commun un rapport fort à la féminité. » La reconnaissance qu’elle y a gagné a ses avantages mais aussi ses inconvénients. Ceux de vous enfermer dans des emplois. Tout ce que cette actrice explosive refuse. « Après Jeune femme, on ne me proposait que des rôles de femme errant dans Paris. Et aujourd’hui, après Passion simple, que des films avec des scènes de cul » lance t’elle dans un éclat de rire avant d’ajouter : « ça me bloque. Car tu veux l’inverse, te libérer de l’image que tu viens de donner. Catherine Deneuve a dit un jour fort justement que qu’attendre constitue un élément essentiel du métier d’acteur. Moi, je trépigne souvent. Mais, à l’arrivée, je crois que ma vie a un sens grâce aux rôles que j’ai pu faire. » Et son désir de changer de registre a été entendu. Elle tourne actuellement Irréductible sous la direction de Jérôme Commandeur. Une comédie grand public sur fond d’écologie où elle campe une chercheuse aventurière qui s’occupe d’ours polaires. Un nouvel étage d’une fusée prête à bien des voyages en terres inconnues.
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