Les Eternels
Ad Vitam

Dans Les Éternels, Jia Zhangke signe une fresque chinoise mais surtout la plus belle déclaration d’amour imaginable.

Exit Ash is purest white (« la cendre est d’un blanc très pur »). Le beau titre anglais a disparu, pour laisser place à une version française moins flamboyante. Pourtant, Les Éternels résume peut-être mieux le projet du cinéaste. Les éternels, c’est ce couple à l’écran. On est en 2001. Lui est un caïd, elle sa compagne rebelle. À partir de là, s’ouvre une chronique de seize ans rythmée sur trois périodes, qui raconte comment ils s’aiment et se séparent, comment ils se retrouvent et se déchirent, sans jamais pouvoir vivre l’un sans l’autre. Mais Les Éternels a un autre sens, plus secret. Depuis toujours, Jia Zhangke filme toujours la même chose : le barrage des Trois-Gorges, la région du Sanxi, la modernisation de son pays et sa compagne, Zhao Tao. Ses films sont fragmentés et elliptiques, parce qu’ils sont les tomes d’une œuvre immense qui prend progressivement corps. Quand on découvre ce film, c’est d’abord comme un nouveau chapitre, un best of filandreux de cette filmo multiforme et foisonnante. Et puis on comprend très vite que c’est bien plus que ça. Jia est allé puiser dans les rushes de deux de ses films précédents (Plaisirs inconnus et Still Life) pour tisser une déambulation folle à travers son œuvre et la Chine du XXIe siècle, et signer une love story. Celle d’un cinéaste et de son actrice. Au coeur du film, dans tous ses plans, Zhao est une présence tétanisante. On la voit à 20 ans (Plaisirs inconnus), à 25 (Still Life) et aujourd’hui. Les Éternels est une lettre d’amour en morceaux, une déclaration envoyée depuis trois époques différentes qui fait renaître ces films sous un nouveau jour. Et c’est bouleversant.
Gaël Golhen


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