Les Enfants des autres de Rebecca Zlotowski
Julian Torres/ Les Films Velvet

La cinéaste raconte celui qu’elle retrouve, après Les Sauvages, dans Les Enfants des autres, où il joue un père divorcé d’une petite fille qui retombe amoureux d’une femme incarnée par Virginie Efira

Quand avez-vous choisi de faire de Roschdy Zem le héros masculin des Enfants des autres ?

Rebecca Zlotowski : Roschdy est associé aux Enfants des autres avant même que je commence à l’écrire car on avait envie de retravailler ensemble après Les Sauvages. Notre relation amicale est au long cours car, avant cette série, on avait même eu un projet de comédie romantique qui ne s’est pas fait. Roschdy m’a d’ailleurs fait plus galérer pour accepter ce rôle de Président que pour la comédie romantique, je n’en revenais pas ! (rires) Peu après la fin du tournage des Sauvages, un producteur lui avait proposé de tenir le rôle central de l’adaptation d’Au- delà de cette limite ce ticket n’est plus valable de Romain Gary, un personnage impuissant. Et il m’a proposé de l’écrire et de le réaliser. On s’est tout de suite retrouvé dans cette idée de déconstruire une certaine idée de la virilité. Et que Roschdy ait le courage et le désir d’aller dans cette direction- là, de comprendre que l’endroit de cinéma dans lequel il se trouvait désormais était de contredire la vision, l’idée que les uns et les autres – y compris dans la vie civile – avaient de lui m’a emballé. C’est comme quand Marcello Mastroianni accepte Le Bel Antonio et joue un Sicilien impuissant en disant par ce geste à son pays qui le porte au nu que peut- être il ne bande pas et en leur demandant si malgré tout ils l’aiment toujours. Il y avait donc Roschdy l’idée d’être au plus près de la vulnérabilité qu’il se sent avoir et que les autres ne voient pas immédiatement. Mais ce projet n’a pas pu voir le jour.

Comment avez- vous bifurqué alors vers Les Enfants des autres ?

Car au fur et à mesure de mon travail sur l’adaptation du Gary, je me suis retrouvée confrontée d’une certaine manière à ma propre impuissance. Celle d’une femme de 40 ans sans enfants qui, à ce moment- là, tout en désirant un, élevait ceux d’un autre. Et j’ai spontanément écrit ce rôle de père divorcé pour Roschdy… tout en ayant au fond de moi cette petite peur qu’il me dise non. Jusqu’à ce qu’il me dise cette phrase que je trouve géniale : « C’est un peu comme si j’avais attendu un garçon et que surgit une fille : je vais l’aimer quand même car ce sera notre enfant ». Et l’idée de la déconstruction de la virilité qui se trouvait dans le Gary a irrigué son personnage.

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Lui d’ordinaire si pudique n’est jamais apparu dénudé à l’écran. Comment expliquez- vous qu’il ait pu franchir ce cap dans Les Enfants des autres ?

Je pense qu’il n’a pas voulu apparaître nu dans des films où il sentait que des metteurs en scène pouvaient projeter du désir sur lui. Le fait que je sois une réalisatrice a sans doute facilité les choses. Mais je pense surtout que c’était le moment pour lui et je le lui ai expliqué de cette façon- là. Quand il accepte de se mettre nu, je le prends comme un cadeau. Il donne quelque chose qu’il n’a jamais donné à personne d’autre. Il n’en menait pas large mais tout paraît totalement naturel. Idem pour les scènes de sexe. Il m’a donné sa nudité mais je l’ai respectée.

Qu’est ce qui a le plus changé dans sa manière de travailler entre Les Sauvages et Les Enfants des autres ?

Pour le rôle de Président des Sauvages, il pouvait s’appuyer sur des représentations, sur de la documentation. Pour le Ali des Enfants des autres, c’est évidemment différent. C’est un rôle qu’il a questionné et qui l’a questionné. Un rôle où il a accepté de ne pas tout savoir. Je me suis employé de mon côté aussi à le débarrasser du besoin d’avoir des certitudes. Souvent, je le faisais parler plus bas. Je corrigeais sa manière de se poser dans un canapé pour aller à l’inverse de la représentation du masculin qui surgissait spontanément et qu’on attend quelque part de lui. Ca joue sur un positionnement physique, sur un regard de dépit amoureux.

Comment ont évolué vos discussions de réalisatrice à acteur au fil du temps ?

Au départ, j’avoue, il me faisait vachement peur. Il faut savoir que Roschdy n’a pas cette obsession d’être aimé par tout le monde. Il est conscient de la dimension sportive de son métier. Le besoin de concentration, de se lever tôt, d’aller à la salle de sport. Il y a un côté méticuleux chez lui. C’est un homme libre. Libre de son emploi du temps. Mais avec qui je peux aujourd’hui partager les inquiétudes et les doutes. Et ce qui m’a le plus frappé, c’est son rapport à ses enfants. C’est un homme qui apprend énormément de ses d’eux et pour qui la transmission marche dans les deux sens. Quelqu’un de déconstruit politiquement, capable d’avouer quand il a tort, jamais jusqueboutiste. Un homme qui doute.