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Bien sûr, Harry Brown a un faux air de Gran Torino sous le ciel gris d’Angleterre – une icône du 7e Art enfile à nouveau le costume de dur à cuire qui l’a rendue célèbre pour livrer un dernier combat contre des jeunes à qui il faut tirer l’oreille. Néanmoins, deux choses court circuitent le rapprochement. D’abord, sir Michael Caine est issu
d’un quartier similaire à celui qui est décrit, où il fut lui-même un voyou. Son retour aux sources confère alors au film une jolie profondeur. Ensuite, l’acteur n’aime pas les violons. Le pardessus noir qui rappelle celui qu’il portait dans La Loi du milieu (1971) annonce une vengeance froide. Le réalisateur évacue d’ailleurs le commentaire social (un peu réac) pour s’astreindre à un film de justicier fatigué. Malgré quelques scènes mal négociées, dont une descente trop longue chez un dealer, le tout est sombre, sec et sans espoir. Du bon ouvrage.
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Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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par Gaël Golhen
Tout ici est question de rythme. Flottant, pas énervé pour deux balles, le film témoigne d'une Derrick's touch et d'un refus de la pose wannabe culte du film de gangsters UK hystéro. C'est tant mieux : en différant la mise en route du récit de vengeance, "Harry Brown" rame un peu, mais gagne en tristesse et en mélancolie.
(..) le film n'est pas facile, loin de là, mais mérite amplement une vision objective et sans oeillères, ne serait-ce que pour tordre le cou à des critiques ou personnes aiguisant déjà leur hache pour le décapiter en place publique comme ce fut le cas avec la saga de Paul Kersey. Vivement conseillé donc.
Jeune cinéaste britannique, Daniel Barber signe un thriller intense et ambitieux, où la violence brutale est montrée sans complaisance. Plus qu’un plaidoyer pour l’autodéfense, son film dresse le portrait d’un homme dévasté, qui retrouve sa dignité en réagissant face à l’injustice. Un rôle somptueusement interprété par Michael Caine.
D'emblée, on songe aux films de justicier avec Charles Bronson, mais ce thriller choc fait aussiécho au Gran Torino de Clint Eastwood et au cinéma de Ken Loach dans son approche sociale en prise avec la réalité. Et dans le rôle-titre, l'immense Michael Caine est impérial.
Outré dans sa caricature, d'une morale nauséeuse avec son héros qui ferait passer le justicier Charles Bronson pour Gandhi, ce polar scotche néanmoins formellement. La précision avec laquelle sont cadrés les HLM, l'extrême tension insufflée à un face-à-face entre Brown et un junkie flippant, témoignent du talent de son auteur. Un film vomitif, qu'on se sent coupable de trouver fascinant.
Un western urbain sombre et socialement engagé, mené de front par un Michael Caine magistral.
De clin d'oeil en clin d'oeil, on constate que ce polar, par ailleurs sec comme un coup de trique, n'est rance qu'en apparence.
Le problème avec les films de justiciers, c'est qu'il n'hésite pas à flatter la fibre la plus réac' du spectateur. Plus il charge la barque (tuerie gratuite, viol, overdose), plus Daniel Barber peine à nous faire croire qu'il est là pour éduquer, et pas simplement dénoncer. La présence de Michael Caine, souverain, contribue heureusement à apporter la classe et finesse à un discours un poil outré.
Fasciste est bien évidemment un grand mot, qu'on laissera à Kael ou au personnage légèrement hystérique de Sara Forestier dans le récent Le Nom des gens, qui qualifie le moindre écart à sa doctrine socialo-baba-cool de « facho ». Comme Harry Callahan à l'époque, Harry Brown n'est pas plus « un facho » qu'un raciste. Mais il applique son idée de la justice, basée sur la désobéissance civile, avec une éthique discutable. La police, incarnée par une fliquette (trop ?) sensible aux traits fatigués, ne fait pas son travail ? Harry va faire le ménage seul, dans son coin. Sous-texte : avec sa bite et son couteau. Pour susciter l'empathie pour ce papy flingueur interprété par le charismatique Michael Caine, et c'est ce qui dérange dans le film, Barber n'y va pas avec des pincettes. Dès l'ultra-violente scène d'ouverture, le meurtre d'une femme et de son gosse filmée au téléphone portable par des kids-assassins en scooter, le réalisateur venu de la publicité montre la jeunesse londonienne dans sa scandaleuse et uniforme monstruosité. Sous-texte : allez ouste Ken Loach, et les bien-pensants de son espèce, voici la racaille, la vraie.
Tous ces voyous forment en effet un groupe homogène, brutal et vulgaire, grouillant près d'un tunnel tagué : une vermine urbaine qu'observe papy Brown tel un sniper, du haut de son HLM. Barber ne montre aucune empathie pour eux, ne s'embarrasse d'aucune complexité psychologique pour expliquer le malaise social et intergénérationnel, et pour cause, ces kids sont irrécupérables : « Ce n'est pas l'Irlande du Nord, explique Michael Caine à la pauvre fliquette découvrant la racaille, ces gens se battaient pour quelque chose, pour une cause. Ceux là dehors, c'est juste pour le plaisir ». Autant les abattre directement, jusqu'au dernier. Ce que fait Harry, traversant vaillamment un East End londonien gangrené par les dealers, aux teintes verdâtres signées Martin Ruhe (Control, La Comtesse), sur une musique des plus angoissantes, pour finalement nettoyer son petit tunnel des parasites, tout seul comme un grand. Nauséabond.
Il est ainsi curieux de le retrouver ici, en papy vengeur mais pleurnichard, faisant régner l'ordre à coups de flingues dans une banlieue londonienne "à problèmes" mais n'hésitant pas à y aller de sa larme lorsque, au début du film, une avalanche de catastrophes (la mort de sa femme puis celle de son meilleur ami) s'abat sur lui.
L'émotivité de son personnage coïncide d'ailleurs avec une sorte d'emphase formelle qui décrédibilise toutes les situations filmées. Ce contre-emploi signe l'échec de ce Harry Brown, épaisse fiction sécuritaire, jamais à court d'une outrance (les voyous sont particulièrement chargés et stupides).