Première
par Lucie Chiquer
Huit minutes. C’est le temps que met Erwan Le Duc à poser les bases de son récit, dans une scène d’ouverture dont la frénésie s’empare instantanément du spectateur. Une succession de plans sans dialogue, sur une fabuleuse musique de Julie Roué : Etienne a vingt ans, adore le foot, tombe amoureux de Valérie, leur fille Rosa voit le jour, Valérie disparait, Etienne devient papa poule célibataire. Ellipse. Rosa a 17 ans et doit quitter le nid pour entamer des études d’art. Mais qui sont-ils l’un sans l’autre, eux qui se sont toujours construits à deux ? Le réalisateur de Perdrix nous embarque alors dans une danse endiablée, un tango où tournoient les grands yeux pétillants de Nahuel Perez Biscayart et la douce désinvolture de Céleste Brunnquell. S'enchaînent des scènes loufoques, presque surréalistes, où père et fille tentent de trouver un sens à ce nouveau départ, à mi-chemin entre pudeur et amour inconditionnel. Avec des personnages secondaires hauts en couleurs comme seuls guides, ils vont apprendre à couper le cordon tout en cicatrisant les plaies du passé. En résulte un film qui se réinvente à mesure que ses protagonistes évoluent, qui casse son rythme pour mieux le reconstruire. Tantôt semblable à une peinture (décors ultra colorés), tantôt à une pièce de théâtre (dialogues dramatisés à l’excès), La Fille de son père mêle mise en scène audacieuse et écriture minutieuse, avec une poésie toujours exaltée. Un véritable bonbon acidulé qui redonne goût à la vie.