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Il y a le monolithique de 2001 et, désormais, le bloc de marbre blanc de Michel-Ange. Dans les deux cas, son apparition cristallise les passions et c’est sur leur surface à priori lisse que se fracassent les mystères du monde. « Ce n’est pas un bloc, c’est un monstre ! » éructe ici Michel-Ange. En se confrontant à l’un des artistes les plus immenses de l’histoire de l’humanité, Andreï Konchalovsky (Runaway Train, Tango & Cash…) devait savoir où placer l’esthétique de son récit : lové dans une Renaissance dorée ou au contraire dans la fièvre et dans la boue. Son Michel-Ange (Alberto Testone, d’une justesse inouïe) est présenté d’emblée comme une semi-loque, alcoolique et fou, son génie créateur coincé entre les désirs de deux familles rivales, « des assassins qui ne méritent pas toute cette beauté ! ». L’artiste ne peut dès lors exister que loin de ses contingences humaines, loin du tumulte, dans la montagne à chercher la matière sur laquelle il posera ses mains. Le film s’attarde sur la force tellurique d’un monde que les hommes subliment et saccagent en même temps. Konchalovsky parvient avec une simplicité apparente à nous faire ressentir les affres de la création. Son film reste concret, la transcendance s’impose d’elle-même, sans s’exhiber. On revient inlassablement sur la terre ferme après avoir cru tutoyer les Cieux : « Je cherchais Dieu, j’ai trouvé l’Homme… », se désespère l’auteur de la chapelle Sixtine. Triste sort. Le film, lui, est en tous points sublime.