Ce qu’il faut voir cette semaine.
L’ÉVENEMENT
LA MULE ★★★★☆
De Clint Eastwood
L’essentiel
Eastwood revient devant la caméra pour un film très personnel où il n’est plus question de la légende, mais juste de l’homme. Clint is back.
Après Gran Torino(et malgré son apparition dans le drame Une nouvelle chance), on était sûrs de ne plus jamais revoir Clint sur grand écran. Ses récentes réalisations nous avaient laissés interdits et, à Première, on avait même fini par faire le deuil (artistique) de celui qui fut l’un des plus grands maîtres du cinéma américain. Surprise. En janvier 2018, on apprenait qu’il allait tourner et surtout jouer l’histoire vraie de Leo Sharp (Earl Jones dans le film), un horticulteur de 80 ans qui, acculé par des problèmes financiers, avait décidé de devenir une mule pour les cartels mexicains.
Gaël Golhen
PREMIÈRE A ADORÉ
L’ORDRE DES MÉDECINS★★★★☆
De David Roux
Thomas Lilti n’a donc pas préempté toutes les explorations du monde de la médecine au cinéma. C’est aussi ce terrain qu’a choisi David Roux pour son premier long. Un sujet qu’il connaît lui aussi très bien, non comme docteur mais parce qu’il vient d’une famille de médecins, entre des parents chefs de service et un frère pneumologue. Cet Ordre des médecinsest un peu le leur puisqu’inspiré de ce que la famille a vécu lors de la mort de la mère du réalisateur.
Thierry Chèze
ERIC CLAPTON : LIFE IN 12 BARS★★★★☆
De Lili Fini Zanuck
Pour prétendre chanter le blues, il faut d’abord le vivre. On comprend mieux, après avoir vu ce documentaire, qu’Eric Clapton le joue avec tant de passion ! Le film retrace l’ensemble de la carrière du guitar hero, de ses débuts avec les Yardbirds et John Mayall jusqu’à nos jours, en passant par les parenthèses de Cream, Blind Faith et Derek & The Dominos. Les terribles épreuves qu’a traversées le musicien – deux secrets familiaux, déceptions amoureuses, addictions, deuil – sont abordées sans tabou par la rock star (qui a ouvert sa boîte à archives) et ceux qui ont marqué sa vie. Lili Fini Zanuck dévoile Clapton comme vous ne l’avez jamais vu et signe le portrait touchant d’un homme brisé par la vie qui retrouve espoir grâce à la musique. Eric Clapton : Life in 12 Barsest un « rockumentaire » passionnant à voir absolument.
Maxime Grandgeorge
PREMIÈRE A AIMÉ
GREEN BOOK : SUR LES ROUTES DU SUD★★★☆☆
De Peter Farrelly
Green Book- Sur les routes du Sudest l’histoire vraie du Dr Don Shirley, grand pianiste classique noir qui entreprit une tournée dans les années 60 dans le Sud ségrégationniste accompagné de son chauffeur blanc, Tony Lip, et du Green Book, qui listait les endroits où les Afro-Américains avaient le droit de dormir et de manger. Sur le papier, ce road-movie historique a tout pour être un récit édifiant plein de bons sentiments. Une sorte de Miss Daisy et son chauffeurà l’envers. Mais Peter Farrelly emmène le sujet plus loin.
Sophie Benamon
THE HATE U GIVE – LA HAINE QU’ON DONNE ★★★☆☆
De George Tillman Jr
Starr, scolarisée dans un lycée privé (et seule Noire au milieu de Blancs de bonne famille), est confrontée à la mort de son ami d’enfance, flingué par un flic blanc. Alors que son quartier s’enflamme, on lui demande de témoigner au procès du policier, ce qui provoque la colère du gang de dealers locaux (dont faisait partie la victime). Empruntant son titre à un morceau de 2Pac (The hate U give little infants fucks everyone, formant l’acronyme thug life), The hate U givechoisit la voie de la pédagogie et du bon sens pour canaliser la colère née du racisme. Et pour tracer le beau portrait d’une jeune fille qui s’éveille à la politique, héritière d’une génération violente (le meilleur rôle du film étant tenu par Russell Hornsby, dément dans le rôle du papa poule, ex-membre d’un gang). Le film réalise joliment son programme imparable, presque trop sagement, préférant l’éducation à la crémation de bagnoles. Passé inaperçu aux États-Unis (problème marketing ou les drames politiques sont-ils destinés à passer sous le radar à l’ère Trump ?), il s’inscrit aussi, en creux, dans une mythologie rap : George Tillman Jr avait consacré un biopic au rappeur Notorious B.I.G. dans lequel le rôle de Tupac Shakur était tenu par Anthony Mackie, ici génial dans la peau d’un chef de gang implacable. On se met alors à rêver au film sur 2Pac qu’aurait pu faire Tillman...
Sylvestre Picard
ANOTHER DAY OF LIFE★★★☆☆
De Raul de la Fuente et Damian Nenow
Richard, un journaliste polonais idéaliste, décide d’aller couvrir l’actualité en Angola, quelques semaines avant son indépendance en 1975. Mais le pays, devenu un enjeu de la guerre froide, se transforme en terrain d’affrontements sanglants et fratricides. Le journaliste y perdra ses illusions et son métier. Faire de ce récit un film d’animation était un pari audacieux ! Le graphisme, qui n’est pas sans rappeler le trait de Moebius, vient ajouter tantôt du réalisme, tantôt du surréalisme à ce conflit dans lequel s’enfonce le héros. Et tout cela se marie parfaitement avec les témoignages en prise de vues réelles de témoins que Richard a croisés sur sa route. Ceux-ci racontent la transformation de cet homme, changé par la guerre, qui n’arrive plus à appréhender jusqu’où peut aller l’horreur. Pari réussi donc.
Sophie Benamon
UN BERGER ET DEUX PERCHÉS À L’ÉLYSÉE★★★☆☆
De Pierre Carles et Philippe Lespinasse
Pierre Carles (Pas vu, pas pris) s’est fait le spécialiste de documentaires corrosifs sur le dévoiement des médias. Un poil à gratter dont les contempteurs pointent souvent la haute estime de lui-même et l’absence de toute autodérision. Un argument qui ne vaut pas pour ce nouveau docu en mode arroseur arrosé, où Carles et son complice Philippe Lespinasse s’improvisent spin doctors de Jean Lassalle pendant sa campagne présidentielle de 2017. Car ces pieds nickelés étiquetés à gauche ont vu dans ce député MoDem fort en gueule un révolutionnaire anticapitaliste qui s’ignore. Un berger... décrit une odyssée vouée à l’échec mais menée avec la foi des convertis les plus acharnés. Et raconte, plus que Lassalle lui-même, la croyance jusqu’à l’aveuglement que la politique ou plutôt le politique peut encore changer le monde.
Thierry Chèze
PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
YAO★★☆☆☆
De Philippe Godeau
Célèbre acteur français, Seydou Tall se rend au Sénégal, son pays d’origine, pour promouvoir un livre. Sur place, il fait la connaissance de Yao, jeune garçon de 13 ans qui, à l’insu de sa famille, a fait le long déplacement à Dakar pour le rencontrer. Seydou décide de le raccompagner chez lui. Il ne faut pas être devin pour comprendre que ce Seydou, c’est un peu Omar Sy, fils d’Africains devenu star, qui s’est investi corps et âme dans ce projet. D’ailleurs, il ne s’en cache pas dans le dossier de presse où il établit des liens entre sa vie privée et le tournage, fait de rencontres et de sensations qui l’ont renvoyé au passé – contrairement à Seydou, il était déjà allé au Sénégal, le pays de son père. Le film dans tout ça ? On n’ose pas parler de « produit » – malgré son calibrage familial – tant la sincérité de l’entreprise transpire de chaque plan et tant l’acteur s’efface derrière son personnage, un père frustré en instance de divorce qui, à travers Yao, accomplit son devoir paternel. Pavé de bons sentiments mais animé d’une mélancolie tenace, ce road-movie offre quelques beaux moments de cinéma. Deux précisément : le premier, quand Seydou rencontre une chanteuse sénégalaise (Fatoumata Diawara, vue dans Timbuktu) avec qui une aventure semble possible ; le second, quand sa route croise celle d’une sorte d’oracle au féminin qui le reconnecte à ses ancêtres. Dans cette séquence, Omar Sy joue devant un fleuve dont la rive opposée est située en Mauritanie, patrie de sa mère. Doux vertige.
Christophe Narbonne
LES FAUVES★★☆☆☆
De Vincent Mariette
Traqué dans L’Heure de la sortie, Laurent Lafitte est cette fois le prédateur. Ou du moins présenté comme tel dans cette chronique faussement naturaliste de l’adolescence, avec Lily-Rose Depp en estivante tenaillée par ses sens dans un coin de Dordogne hanté, dit-on, par une panthère. Quand un jeune, éconduit par Laura, disparaît, les soupçons se portent sur la jeune fille qui, de son côté, est fascinée par un écrivain mystérieux... Réalisateur du mélancolique et charmant Tristesse club, Vincent Mariette change de registre. Surfant sur la vague du naturalisme fantastique qui inonde actuellement le cinéma d’auteur français, il signe un film bancal qui vaut surtout pour le portrait initiatique de Laura(prénom de cinéma fatal...), inconsciente, désirable, émancipée et, finalement, bouleversante.
Christophe Narbonne
PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ
CONTINUER★☆☆☆☆
De Joachim Lafosse
Tout semblait ici réuni pour un grand film. Un roman poignant de Laurent Mauvignier sur une mère divorcée entraînant son fils dans un périple à cheval au Kirghizistan, comme un électrochoc à ses penchants violents. Deux excellents comédiens : Virginie Efira et Kacey Mottet-Klein. Et un réalisateur à l’aise dans l’art de raconter de telles tensions explosives : Joachim Lafosse (L’Économie du couple). Pourtant, à l’écran, rien ou presque ne fonctionne. La densité des interprétations ne trouve que trop rarement d’écho au fil d’un récit qui jamais ne décolle. Une fois les enjeux posés, ce long voyage en terre étrangère peine à les transcender. Et la tension n’éclate que dans les moments convenus, ne suscitant jamais l’émotion brutale qu’elle est censée créer.
Thierry Chèze
LES PETITS FLOCONS★☆☆☆☆
De Joséphine de Meaux
Pendant que son mari (Grégoire Ludig) et leurs enfants s’éclatent sur les pistes, Wanda, une mannequin jambe (Joséphine de Meaux, également réalisatrice) ne peut skier, sa jambe, justement, ayant triplé de volume. Peu à peu elle se découvre une maladie assez spéciale : une attirance pour les moniteurs de ski. Heureusement, elle peut compter sur leur invité Sami (Gustave Kervern), un ex-taulard fraichement sorti de prison pour la détourner de sa névrose montagnarde. Le premier film de Joséphine de Meaux est loin des Bronzés font du ski-auquel il rend néanmoins un bel hommage. Malgré un sympathique casting et quelques engueulades familiales bien enlevées, Les petits floconsse déroule à la vitesse d’une journée à la montagne par avis de tempête : très lentement. In fine, on ne voit pas très bien où veut en venir la réalisatrice qui s’emmêle un peu les skis dans son histoire.
Nicolas Bellet
MA VIE AVEC JAMES DEAN★☆☆☆☆
De Dominique Choisy
La venue d’un jeune cinéaste au Tréport où son film est présenté va bouleverser la vie de quelques autochtones, et la sienne par la même occasion. Trois films en 19 ans (dont l’étrange et fascinant Confort moderne), c’est le rythme pris par Dominique Choisy pour raconter des histoires réalistes où s’immiscent l’absurde et le malaise. Du Blier en mode mineur (plutôt du Serge Bozon, donc) dont Ma vie avec James Dean est un exemple raté avec ses dialogues décalés qui tombent à plat, ses histoires d’amour caricaturales et ses situations un peu ringardes -les filatures où tout le monde se suit sans discrétion, hum.
Christophe Narbonne
MOSKVITCH MON AMOUR★☆☆☆☆
De Aram Shahbazyan
Au début de Moskvitch mon amour, on est pris d'une empathie profonde pour le personnage d'Hamo, ce réfugié azéri en Arménie, obsédé par l'idée de rouler au volant d'une Moskvitch rouge, comme le lui avait promis le régime communiste déchu. Sur le point de l'acheter à un voisin, il est alors victime de toutes les mésaventures imaginables et, dans son entêtement, délaisse ce qu'il a de plus cher au monde : son épouse Arous. Au final, il ressort de cette charge contre les mensonges du système stalinien une comédie en demi-teinte, plombée par la surdramatisation constante du sort de son héros.
Jean-Baptiste Tournié
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