Loin des films de SF qui ont fait sa carrière, Blomkamp adapte l’histoire vraie de Jann Mardenborough, joueur surdoué de Gran Turismo devenu pilote de course professionnel grâce au concours GT Academy. En mars dernier, à Los Angeles, le réalisateur nous détaillait les origines et les ambitions de ce blockbuster à la croisée des chemins.
PREMIÈRE : Quand vous avez été annoncé aux commandes de Gran Turismo, tout le monde s’est demandé ce que le réalisateur de District 9 venait faire sur ce projet...
NEILL BLOMKAMP : Et je comprends bien pourquoi ! J’avais vendu à Sony un scénario de film de science-fiction très sombre, dans la veine de ce que j’écris habituellement. J’ai travaillé dessus pendant qu’on cherchait l’acteur principal, mais le processus a pris beaucoup de temps. Alors les gens de Sony m’ont demandé si je voulais jeter un œil à Gran Turismo, qui allait être greenlighté. « Quoi? Mais ça n’a aucun sens les gars, c’est une simulation de conduite ! Ça ne peut pas faire un film. » On m’a répondu de quand même lire le script… Je n’avais jamais entendu parler de l’histoire de Jann Mardenborough ou de la GT Academy ! Mais le scénario m’a un peu scié. Je suis toujours à la recherche de jeux vidéo qui pourraient être adaptés en films, et je n’avais jamais rien vu de tel. C’est une histoire vraie et humaine.
Car ce n’est pas une adaptation de jeu vidéo stricto sensu.
Non, et en même temps c’est un film absolument centré sur le jeu vidéo. C’est tout à fait unique, d’autant plus pour moi : j’ai l’habitude de faire des longs métrages un peu dark, un peu tordus. Et là, je me retrouvais face à quelque chose d’ouvertement positif et inspirant. L’histoire d’un outsider qui gravit les échelons un par un. Jamais je n’aurais imaginé réaliser un film comme ça ! Sauf que ce script m’a rappelé les films que je voyais étant gamin, et qui m’ont laissé une forte impression. C’est peut-être que je vieillis, hein. (Rires.) Mais j’avais envie de tenter au moins une fois dans ma carrière de reproduire cet effet sur les jeunes spectateurs. C’est la première fois que je réalise un long métrage que je n’ai pas écrit, car je voulais injecter mon point de vue sur quelque chose qui ne me ressemble pas.
Et pourtant le lien avec votre cinéma est évident. Votre patte est là, surtout dans l’approche très mécanique des courses.
Alors c’est rassurant. (Rires.) Je ne veux pas transiger sur les scènes de bagnoles, qui doivent être les plus réalistes possible. Vraies pistes, vraies voitures. Sinon l’aspect humain de l’histoire perd en crédibilité et le film s’effondre. Les acteurs sont réellement au volant, même si ce sont des pilotes placés au-dessus du véhicule qui conduisent. Mais bon, bien sûr, il y a quand même beaucoup d’effets numériques.
Qui sont beaucoup plus discrets que dans vos précédents films.
Oui, mais c’est une illusion : on a quand même besoin d’effets visuels sur certains plans larges, ne serait-ce que pour rendre la vitesse des voitures. Si je voulais vraiment capter cette allure juste avec des caméras, il aurait fallu lancer les bagnoles à 350 km/h. Impossible. Donc même avec une approche réaliste, on a 700 ou 800 plans retravaillés numériquement.
Ce film est-il aussi une façon de faire la paix avec les studios après votre éviction d’Alien 5 ?
Je ne suis pas aussi stratège que ça. C’est une pure rencontre créative. Je n’ai aucune idée de ce qui viendra ensuite, je ne sais pas si je tournerais le film de SF que j’ai écrit. Je me foutais éperdument de bosser avec un gros studio hollywoodien... Aussi éloigné de moi que soit le film, il m’a rattrapé. Comme s’il était taillé pour moi.
Gran Turismo, de Neill Blomkamp, avec David Harbour, Orlando Bloom, Archie Madekwe… Sortie le 9 août.
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