La télévision française est en deuil depuis hier et l'annonce du décès d'Alain de Greef, ancien directeur des programmes de Canal+ et créateur d'un nombre considérable des émissions les plus célèbres de la chaîne cryptée. Atteint d'un cancer de la mâchoire depuis l'an dernier, il s'est éteint le lundi 29 juin à l'âge de 68 ans. Né comme un symbole à Boulogne-Billancourt, où s'installera le siège social de Canal+, il se tourne très vite vers la télévision et intègre l'ORTF en 1971 en tant que chef-monteur, puis Antenne 2 à la création de la chaîne, avant d'y devenir chef d'atelier de production des émissions variété en 1980. C'est là qu'il fait la rencontre déterminante de Pierre Lescure, avec lequel il lance deux ans plus tard la première de leurs créations cultes : Les enfants du rock, émission rock pointue et irrévérencieuse, sur laquelle s'illustrent déjà des futurs grands noms que l’on retrouvera sur Canal+ quelques années plus tard comme Antoine de Caunes, Alain Chabat ou Jean-Pierre Dionnet. Deux ans plus tard, lorsque André Rousselet engage Pierre Lescure pour préparer le lancement de Canal+ en 1984, ce dernier emmène avec lui toute son équipe, y compris Alain de Greef, nommé directeur de production, puis directeur des programmes de 1986 à 1994, puis directeur général chargé des programmes jusqu'en décembre 2000 et l'arrivée de Vivendi, où il sera remplacé par Michel Denisot. Après un bref passage du côté d'iTélé, il quitte le groupe peu après le départ de son fidèle ami Pierre Lescure en 2002. Depuis plusieurs années, il s'était mis en retrait du monde du petit écran, notamment pour des raisons de santé, tout en continuant à activement commenter l'actualité de son œil exigeant sur les réseaux sociaux. Pendant plus de quinze ans, Alain de Greef imprimera plus que tout autre l'identité de la chaîne cryptée, impertinente, alternative, avant-gardiste, osée, pointue tout en restant populaire, singulière tout en étant grand public, à tel point qu'il reste aux yeux du plus grand nombre comme l'incarnation même du fameux "esprit Canal". Au premier rang de ses créations les plus mythiques, on pense évidemment à Nulle part ailleurs, le talk-show qu'il a lancé avec Philippe Gildas et Antoine de Caunes en 1987. NPA allait dès lors servir de tremplin à toute une génération de comiques, qu'ils soient acteurs ou animateurs, artistes ou chroniqueurs. Il y eut d'abord le quatuor composé d'Alain Chabat, Chantal Lauby, Dominique Farrugia et le regretté Bruno Carette (disparu lui aussi d’un cancer en 1989), Les Nuls, qui fit les beaux jours de l'émission avec leur JTN, puis Les Nuls, l’émission. Mais ce fut également le tandem Antoine de Caunes/José Garcia, le Groland, Les Deschiens, Karl Zéro, Jean-Yves Lafesse, Les carnets de monsieur Manatane de Benoît Poelvoorde, Jamel Debbouze et son Cinéma de Jamel (qu'il importe de Radio Nova), Édouard Baer et son Centre de visionnage, Nicolas et Bruno et leur Message à caractère informatif, Michel Muller et son Fallait pas l'inviter, Omar et Fred, ou encore les Robins des bois. Il avait pour sa part fait une petite apparition dans H, plus récemment dans Platane, mais aussi un bref cameo dans Dobermann de Jan Kounen. Mais la patte De Greef restera surtout associée aux Guignols de l'info, qui débutent en 1988 sous le nom des Arènes de l'info et adaptés du concept anglais Spitting Image. Après des débuts laborieux, les Guignols intègrent la galaxie NPA en 1991 et deviennent un phénomène culturel mais aussi politique, mis en pleine lumière par l'élection en 1995 de Jacques Chirac, dont la marionnette reste la plus populaire de toutes celles de l'émission. Les Guignols renverront l'ascenseur en bonne et due forme à leur créateur, se moquant gentiment de sa diction particulière, de son goût pour les tournures de phrases compliquées… et de sa passion pour la night (notamment cannoise). Certains des sketchs le mettant en scène resteront à la postérité, principalement celui faisant suite à la polémique sur un autre sketch du Groland montrant Michael Kael en plein acte sexuel avec un mouton. "Cule un mouton" est même devenu un cri de ralliement des nostalgiques de l'âge d'or de la chaîne cryptée à l'annonce du décès d'Alain de Greef hier soir. Aujourd'hui, les hommages se multiplient de la part de tous ceux qui ont été révélés par De Greef, qui ont collaboré avec lui, ou qui ont simplement gardé en tête les souvenirs de cette époque faste pour la chaîne.
Commentaires