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Jean Paul Civeyrac, filme ces filles blafardes qui font la gueule et portent des barrettes en forme de toiles d’araignées dans leurs cheveux telles de sombres silhouettes en voie d’évanescence. Uniquement définies par leur désir acharné de se tuer, Noémie et Priscilla avancent vers leur destin sans qu’on comprenne vraiment ce qui constitue l’essence de leur mal-être. Du coup, leur quête d’absolu, totalement désincarnée, devient par moments caricaturale, et on a beaucoup de mal à s’attacher à ces Virgin Suicides gothiques sans chair. Si le film, trop volontairement cérébral, échoue à nous transmettre le malaise adolescent avec son « romantisme » macabre, il capture quelque chose de bien plus authentique dès qu’il aspire à montrer les influences potentiellement dangereuses des amitiés trop fusionnelles. Là, alors oui, on commence à voir clair dans ces Filles en noir.
Toutes les critiques de Des filles en noir
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Ni film socioréaliste, ni 100 % film de genre, Des filles en noir est en parfait équilibre entre ces deux pôles, entre fait de société (le suicide chez les jeunes) et regard stylisé (le romantisme noir), tel un sujet à la Pialat filmé par Murnau ou Tourneur.
Civeyrac fascine par la beauté d’un plan, le filmage d’un visage, restitue le frisson d’un crépuscule, fait deviner la menace invisible d’un hors-champ.
Il a trouvé en Elise Lhomeau et Léa Tissier deux extraordinaires félines, deux débutantes qui portent le film avec une grâce et une intensité absolument stupéfiantes.
Pas simple, quand on est un cinéaste quadra, de filmer des jeunes filles sans fausses notes et sans clichés.Animé par une belle croyance en son art, en son sujet et en ses actrices, Jean-Paul Civeyrac livre une partition quasi parfaite, délicate et inspirée, intense et sans concession, saisissant quelque chose de l’absolu de la jeunesse sans crainte, sans effarement et sans paternalisme.
Une modeste splendeur. -
Romantiques d'aujourd'hui. L'un des grands mérites de Jean-Paul Civeyrac est de redonner à ce courant ses lettres de noblesse. Trop souvent caricaturé en symptôme de fièvres et de pâmoisons sentimentales, le romantisme est culte ardent d'une passion sans partage, ivresse d'infini et révolte.
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Civeyrac assume, lui, son statut d'adulte, sa maîtrise, et une certaine sagesse bienfaisante, qui voit plus loin que l'impasse tragique. En pointant l'inaptitude de Noémie à pleurer, il suggère qu'une chrysalide de froideur enserre l'adolescente, lui barrant encore l'accès à la vie. Il place aussi, furtivement, la candidate au suicide au chevet d'une très vieille dame moribonde, aphone. Scène magnifique : quand Noémie, par provocation, lui annonce sa décision d'en finir, on entend à peine un souffle, mais c'est une protestation viscérale. Les dernières forces d'un corps exsangue mobilisées pour tenter de sauver une fille du noir.
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Cette vision très manichéenne de deux générations finit donc par figer cette chronique du désenchantement qui bénéficie pourtant de deux jeune interprètes de grand talent.
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Lorsque Des filles en noir décolle enfin, l'avenir incertain des deux jeunes femmes nous prend aux tripes. Marcher sur les pas de Noémie et Priscilla, c'est faire un bout de chemin avec des milliers d'adolescentes en détresse, d'anonymes martyrisés par la vie.
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Parents épuisés mais aimants, système scolaire dépassé, flics prompts à leur faire la leçon… personne ne sera en mesure de le contrecarrer. Œuvre politique magistrale et chronique du désenchantement délicate, « Des filles en noir » trouve son acmé dans la peinture des aubes, recommencements dont les filles ne veulent plus. C’est un formidable film sur l’absolu.
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Face à la difficulté de vivre de deux jeunes filles, Jean Paul Civeyrac signe un film à fleur de peau aussi démoralisant que touchant.
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Loin de toute sociologie ou discours attendu, mais au plus près de ses deux héroïnes radicales et quasi démoniaques, ce film met en place un dispositif oppressant, comme contaminé par une fébrilité ambiante qui fascine, désole, révolte.
Le spectateur est ainsi pris à bras-le-corps par une mise en scène en forme de chorégraphie troublante et macabre. Le tout dans un réalisme cru.
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Elles ne sont pas seules, d'ailleurs, à essuyer les frais de la caricature. Car le reste du monde obéit à cette orchestration outrageusement figurative, et se noie dans une vision sociale comparable à celle d'un ado en crise. Chaque instance ne fait qu'obéir à sa logique, implacable : les parents sont largués et désarmés, l'école remplace l'écoute par la discipline, le prince charmant est d'une indifférence crasse, et le seul soupirant aux alentours est nécessairement un trentenaire encravaté et borderline, dévoré par la frustration. On pourra invoquer la tentative de saisir les inquiétudes profondes dissimulées derrière les comportements ordinaires et le langage prétendument libéré de notre époque, et d'interroger culturellement les racines de l'élan suicidaire. Mais le terrain arpenté par le cinéaste est trop sociologiquement connoté pour autoriser une quelconque immersion : tout comme les héroïnes entretiennent un rapport à la mort empreint de la « pensée magique » chère aux charlatans, il faudra s'en armer jusqu'aux dents, de pensée magique, pour croire à ce salmigondis d'artifices.
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Des filles en noir est un film sec aux péripéties minimales et à la psychologie réduite au constat de départ. C'est là que le bât blesse : l'histoire n'est qu'un constat et le récit fonctionne sur le mode programmatique du début à la fin. Tout est tellement prévisible que l'intrigue, alors qu'elle aurait dû faire écho au monde, se referme sur elle-même. Seules surnagent les deux jeunes comédiennes néophytes, Léa Tissier et, surtout, Elise Lhomeau.