Toutes les critiques de Football infini

Les critiques de Première

  1. Première
    par Eric Vernay

    Après son documentaire intimiste sur le foot (Match retour, où son père, ancien arbitre, et lui-même, commentaient un match datant de 1988), Porumboiu attaque cette fois le sujet par le biais d’un portrait subtil et cocasse, où s’imbriquent théorie du sport et parabole politique. Gravement blessé sur un terrain de foot dans sa jeunesse, Laurentiu Ginghina est resté totalement obsédé par l'idée d’en changer les règles. Devenu gratte papier pour le gouvernement roumain, il se compare volontiers aux super-héros. Comme eux, il mène une double-vie ; l'une excitante, l'autre plus grise, servant de couverture à ses exploits :  l’élaboration de ces fameuses nouvelles règles, donc, qui portent en elles une volonté de changement, où la non-violence joue un rôle pivot. Une utopie qui peut paraitre insignifiante aux yeux d'un novice en ballon rond, voire gentiment délirante pour les plus avertis : le réalisateur de 12h08 à l'est de Bucarest, qui débat en personne avec l’apprenti sorcier, ne se prive d’ailleurs pas d’en pointer les incohérences. Mais au-delà de la question de son applicabilité, elle a le mérite de produire une étincelle de pensée stimulante dans un pays noyé sous la grisaille et toujours plombé par les lourdeurs administratives : témoin de cet immobilisme post-communiste, l’irruption régulière dans le bureau de Ginghina de citoyens lassés par la paperasse, dont une nonagénaire qui attend depuis trente ans que l’Etat lui rende son terrain. Kafka n’est jamais très loin.