Fluctuat
A brasser trop de thèmes, le premier film d'Eric de Montalier s'égare dans des clichés simplistes qu'une excellente distribution ne sauve pas. Sur les sentiers périlleux du film choral, et malgré le charme de certains personnages, il ne parvient ni à l'unité, ni à l'équilibre qui font la réussite des histoires à multiples entrées.
- Exprimez-vous sur le forum Ma place au soleilEric de Montalier ne manque pas d'ambition. Comme s'il craignait que son premier long-métrage soit aussi le dernier, il y place tous les grands thèmes humains possibles et adopte la forme, si délicate à manier, du film choral. Certes, il est aisé de se repérer dans cette pléthore de personnages principaux, mais on le doit autant à un casting haut de gamme de visages connus et identifiables qu'à l'abus de clichés balourds faciles à retenir. Pour définir une dizaine de personnages intéressants, en 105 minutes, il faut faire preuve d'une rigueur scénaristique sans faille. Que le signifiant se dégage sans paraître ni imposé ni plaqué. N'est pas "Robert Altman" rec="0" qui veut. Ici, la qualité d'écriture est beaucoup trop inégale pour crédibiliser des situations avant tout illustratives. Les intentions de l'auteur et la direction de chaque scène se devinent trop tôt. Il n'y a donc de place ni pour la spontanéité, ni pour les hasards d'existence, susceptibles d'ancrer cette histoire dans une réalité tangible qui nous soit proche.Ces tranches de vie, où les hommes sont de grands enfants et les femmes des êtres raisonnables, manquent de finesse. Pour un magnifique Jacques Dutronc muré dans sa solitude de Droopy neurasthénique ou un André Dussollier, truculent et bondissant, à l'humour décalé et réjouissant, on tombe trop souvent dans la caricature (Hyppolite Girardot, Gilles Lellouche) simpliste. En conséquence, certaines séquences manquent d'intérêt, même si elles font sourire (la working girl « baisée » par le businessman, le blaireau dragueur qui s'enfonce dans sa bêtise, ...etc.), et l'équilibre général s'en ressent.Dommage, car un certain charme émane pourtant de l'hébétude absente du fantôme de Dutronc, des marivaudages de Dussollier ou la des hésitations de Nicole Garcia. Ces bons moments laissent affleurer l'humanité qu'on attend habituellement de récits croisés. Hélas, ils sont contrebalancés par de gros trous d'air (scènes d'aéroport - intrigantes de nullité -, sauterie patronale...etc.) qui s'harmonisent mal à la gravité, voire la fausse légèreté, parfois touchante des grands thèmes (mort, solitude, couples, communication) évoqués.Uniquement basé sur ces caractères, le film manque d'un point de vue sur la société, d'une vision d'auteur qui l'élève au-delà de l'anecdote. Et ce qui aurait pu être un joli film grave sur la difficulté d'effectuer ses choix, la peur de l'échec ou la lâcheté masculine se termine dans une lumière de félicité, gratuite et conventionnelle, qui jette une ombre rédhibitoire sur la noirceur qui affleurait et contribuait grandement au charme du récit. Avec sa lumière finale trop vive et ces clichés surexposés, Ma place au soleil finit par abîmer le regard. Ma place au soleil
Réalisé par Eric de Montalier
Avec André Dussollier, Jacques Dutronc, Gilles Lellouche
Sortie en salles le 14 mars 2007[Illustrations : © Studio Canal]
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