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Maigret, par le cinéaste de Monsieur Hire, avec l’héritier en titre de Gabin ? Sur le papier, c’était intrigant. On sait depuis longtemps que Leconte aime jouer avec les mythes – il a filmé Delon et Belmondo, Johnny et Vanessa. Et si Maigret tient en une pipe, un chapeau et un pardessus, qui d’autre que Gégé pour le jouer ? La rencontre entre le monstre sacré du cinéma français et le monolithe pachydermique de la littérature belge semblait plus que tomber sous le sens. Evidente. C’est d’ailleurs le (seul) principe du film. Dans Maigret le commissaire tente de résoudre la mystérieuse mort d’une jeune fille. Mais la véritable enquête du film, c’est celle que la caméra de Leconte mène sur Depardieu jusqu’à friser le documentaire sur l'acteur. Plus d’une fois, le personnage laisse place à la personne. La silhouette ogresque est accablée de tristesse et de désespoir et le réal la regarde affronter les dépressions jusqu’à sa propre dissolution. Séduisant sur le plan théorique, tout ça fonctionne dans une ou deux scènes où l’acteur combine délicatesse, amertume et balourdise pour aboutir à une grâce paradoxale. Mais la plupart du temps Depardieu n’est que l’ombre de lui-même (il annone ses répliques, marche avec difficulté…). L’ennui, c’est qu’il n’y a rien d’autre à l’écran. Dans le cadre, les autres sont soit insignifiants, soit à côté de la plaque. Quant à la mise en scène, à force de suivre son personnage, de se caler sur son rythme, tout patine. Les intentions sont là, intéressantes, la démarche indiscutable. Mais on reste sur l'impression d’une tentative essoufflée qui rate le degré de démesure et d’ampleur requis pour se qualifier dans la catégorie des grands films hantés ou théoriques.