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Pour Hank, la vie s’est arrêtée à la mort de sa femme. Déjà accro aux opiacés, ce vétéran de la guerre d’Irak a définitivement basculé dans une autre réalité et fait de la vie de sa fille Mickey, qui vit seule avec lui, un enfer. Car sans elle, son immobilité morbide le condamne à une mort certaine. Mais en restant à ses côtés, cette ado se voit condamnée à une prison qui l’empêche d’envisager le moindre avenir radieux, à commencer par sa première vraie histoire d’amour qui lui tend les bras. Et ce, sans compter que dans ses crises les plus furieuses, Hank prend Mickey pour sa défunte épouse et manque de basculer dans l’irréparable. Découvert à l’ACID lors du Cannes 2019, Mickey and the Bear paraît au départ cocher toutes les cases de la tragédie familiale vue par le cinéma indépendant américain. Sauf que, comme Debra Granik avec Winter’s Bone, Annabelle Attanasio réussit à transcender les archétypes. Elle crée une vraie tension sourde et sans cesse au bord de l’explosion atomique. Des négociations de Mickey avec des psys pour pouvoir ravitailler son père en médicaments au moment où elle lui présente l’élu de son cœur, la cinéaste dépasse les situations convenues pour créer un suspense aussi poignant que digne, sans une once de sensiblerie. Et cela, elle le doit aussi à une interprète de feu, une révélation digne de celle de Jennifer Lawrence dans Winter’s Bone : Camila Morrone. Cinégénie fascinante, justesse jamais prise en défaut, capacité à emporter chaque scène ailleurs... Elle pose ici le premier étage d’une fusée qui devrait l’emmener très loin et très haut.