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Au seuil d’une carrière qui continue de progresser malgré les aléas d’une santé fragile, Paul Schrader opère avec cette nouvelle adaptation d’un roman de Russell Banks après son Affliction (1997), un retour aux sources de son cinéma et de sa psyché. Dès les premières minutes, un gros plan sur un Richard Gere comme embaumé par la maladie, saute aux pupilles du spectateur immédiatement hanté par le fantôme du sensuel Julian Kay, l’éphèbe qu'il incarnait jadis dans American Gigolo (1980) du même Schrader. Il est ici Leonard Fife, un homme d’images qui au seuil de sa vie livre ses confessions à une équipe de télévision. Il laisse couler sa voix sur des images de son propre passé. Un passé décomposé au gré des confessions, des souvenirs, où Gere apparaît alors sous les traits du jeune et élancé Jacob Elordi. Après sa trilogie janséniste amorcée avec Sur le chemin de sa rédemption en 2017, ce Oh, Canada se voudrait plus lyrique mais c’est oublier que le bressonien Schrader est assez peu adepte des grandes effusions. Son Leonard Fife est un dissimulateur qui aura cherché en réalisant des documentaires une vérité qu’il n’arrivait pas à saisir sur lui-même. Malheureusement, tout ça finit par donner une impression de statu quo émotionnel. La mise en scène bien que solide retient des personnages maintenus prisonniers d’un récit qui refuse bec et ongles de se déployer. Quant à Gere, flamboyant malgré la détérioration programmée de son personnage, il est la lumière intérieure de ce film-cercueil.