- Fluctuat
Ce qui ferait le premier charme de ce film serait le contexte de l'histoire. En Chine impériale, au temps des samouraïs, on dérobe la fameuse épée portant le nom symbolique de Destinée. La possession de cet objet se paiera au prix de combats spectaculaires.
Les règles du film d'action asiatique sont respectées, qu'on s'affronte avec respect ou fourberie, le corps est mis en scène et tous les muscles bandés au prix de la victoire. A l'écran comme sur le plateau d'ailleurs, puisqu'on sait que depuis les premiers films de Jackie Chan, Michelle Yeoh est célèbre pour exécuter ses cascades toute seule.C'est toujours ce qui intrigue ici. Entre grossiers effets spéciaux et prouesses des corps, le film d'art martial joue avec notre naïveté et notre admiration d'enfant. La caméra capte les êtres en mouvement et cache parfois les rigueurs des luttes. Ainsi, les personnages supportent coups de poing et coups d'épée sans forcément y succomber, cela dépend de leur statut au sein de l'histoire. Ici l'effet spécial est sublimé. Utilisé oui mais de façon si flagrante qu'il n'est plus une ficelle ni un truc pour cacher les imperfections humaines face à l'imagination débordante des scénaristes. Les acteurs se poursuivent sur les toits en courrant si vite qu'ils volent. Ils s'affrontent dans les cîmes des arbres, font des bonds de trois mètres pour battre leur adversaire, gagnent leur combat par K.O. et non par abandon. C'est irréaliste me direz-vous... pas tant que cela. Car Ang Lee use de procédés bien connus chez les amateurs de jeux vidéo, ce qui donne une autre dimension aux protagonistes.Ainsi les personnages sont deux fois plus irréels, et deux fois plus réalistes, puisque dans un jeu vidéo, nous sommes le personnage principal et nous décidons de la mise en scène. Soi et ses envies, une personne réelle, et le personnage, support de tous les fantasmes, pouvant enjamber les murs de trois mètres d'un clic, tous deux figurés ici dans un même personnage. Il y a dans ce procédé un charme poétique qui rappelle les premières photos de Lartigue, photographiant sa bonne descendant les escaliers en plein vol grâce à la magie du temps d'exposition.Toujours ici se mêlent l'ancestral et la modernité. L'ancestral pour les décors et les costumes, la modernité pour la place centrale des personnages féminins. L'une Jen Yu, est jeune et assume ses désirs au prix de sa vie. L'autre, Yu Shu Lien respecte les conventions et accomplit son devoir au prix de sa passion. Jen Yu, promise à un mariage conventionnel, se transforme en voleuse pour pimenter sa vie et égaler l'homme qu'elle aime, Lo, un brigand des hauts plateaux. Yu Shu Lien est une sage justicière amoureuse de son maître Li Mu Baï. Elle sait que le respect et le sens de l'honneur lui interdisent de s'avouer leur amour. Leur fougue conduiront la première au suicide et la seconde à une vie plombée de tristesse.Si le réalisateur sublime le genre en usant subtilement des nouveaux procédés, il joue également avec les conventions romanesques, construisant son scénario de manière un peu trop lourde parfois. Ses personnages sont des archétypes prévisibles et monocordes. Mais ceci n'enlève rien au spectacle des combats, à leur étrange beauté à voir sans à priori quand bien même on devinerait les dialogues avant qu'ils soient dits...Tigre et Dragon
Un film de Ang Lee
Avec Chow Yun Fat, Michelle Yeoh, Zhang Ziyi, Chang Chen.
Sortie en France le 4 octobre 2000[Illustration Zhang Zi Yi, Tigre et dragon 2000]
- Lire la chronique de Chevauchée avec le diable (2001)
- Lire la chonique de Hulk (2003) du même Ang Lee.