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En dépit de sa forme singulière, ce sixième film du norvégien Erik Poppe s’intègre dans un ensemble très cohérent, fruit de réflexions approfondies sur la subjectivité comme amplificateur émotionnel. Il avait déjà pris cette direction dans L’Épreuve, une fiction semi-autobiographique (il a lui-même été photographe de guerre) avec Juliette Binoche. Avec Utøya, 22 juillet, il poursuit à l’extrême une approche immersive et sensorielle en filmant ses acteurs au plus près. Le réalisme qui en résulte ne relève pas pour autant du documentaire : il s’agit bien d’une fiction, inspirée de multiples témoignages de survivants. Le film commence 12 minutes avant l’irruption (hors champ) du fanatique Anders Breivik sur l’île où sont rassemblés des jeunes travaillistes, le temps d’installer un lien affectif entre Kaja, une jeune militante de 19 ans, et sa soeur qu’elle perd de vue. Après le début des tirs, la caméra portée suit Kaja pendant la quasi-totalité des 72 minutes restantes, transmettant en direct sa surprise, sa terreur, ainsi que ses efforts pour résister à la panique, survivre et sauver ses proches. Le résultat ne manque pas d’efficacité et ne peut pas laisser indifférent, sachant qu’à la plupart des coups de feu entendus correspond une victime (il y aura 69 morts et 33 blessés). À l’évidence, les multiples procédés utilisés posent des questions morales qui ne manqueront pas de diviser, mais cette ambiguïté fait aussi l’intérêt d’un projet trop complexe et réfléchi pour être jugé à la hâte.