Deux des plus grands cinéastes américains vivants, aux sensibilités pas si éloignées, encadrent la journée : Clint Eastwood et John CarpenterPar Benjamin RozovasHereafter sonne tellement peu Eastwood dans ses intentions (flirter avec les effets spéciaux, le surnaturel, l’au-delà et ses représentations) qu’on ne devrait pas s’étonner que le résultat soit si peu caractéristique du maître. Un Richard Curtis ou un Guillermo Arriaga semblent à première vue plus taillés pour le job… Le script est signé Peter Morgan, un génie dans son genre (le biopic de célébrités anglaises, de The Queen à Frost/Nixon), mais lui aussi s’aventure ici hors de son environnement naturel. Leur rencontre provoque un film étrange, souvent inégal, parfois ridicule, flottant, mais pas forcément dans le bon sens du terme. Un ex-médium vit sa capacité à communiquer avec les morts comme une malédiction (Matt Damon) ; un petit garçon séparé de son jumeau par un accident de voiture mortel n’arrive plus à fonctionner sans lui ; une journaliste française (Cécile de France) est obsédée par l’au-delà après en avoir fait l’expérience quelques secondes …Trois personnages hantés différemment par la mort, y cherchent des clefs pour continuer à vivre. On pourrait s’attendre à une méditation austère et claustro (Etat second, quoi), c’est tout le contraire : bien que ses personnages soient très pressés de trouver des réponses, Eastwood, lui, n’a pas de train à prendre. Sur un mode de comédie dramatique apaisé, il nous laisse patiemment rentrer dans leur cercle intime. Comme si le film oubliait délibérément son sujet, prêt à s’en échapper à la première occasion… (les scènes à Paris avec Cécile de France souffrent le plus de ces égarements). Au rayon bizarreries, notez aussi l’ouverture catastrophe en Thaïlande qui pourrait évoquer Roland Emmerich si ce n’était un sens prégnant de la mort et du danger… Ce qui n’empêche pas quelques moments de grâce, et surtout une séquence en deux temps absolument renversante au milieu du film (les américains disent un one-two punch), qui doit sa réussite au fait qu’elle soit à ce point détachée du reste du métrage. Matt Damon rencontre Bryce Dallas Howard dans un cours de cuisine (magnifique scène de dégustation/séduction les yeux bandés), la ramène chez lui et cède à ses suppliques en pratiquant sur elle une « lecture ». Avec des conséquences étonnantes… D’abord exaspérante (elle semble surjouer la détresse affective de son personnage), Howard bascule en quelques minutes sur une gamme d’émotions inattendue (en fait non). Cette actrice au destin pas moins curieux, presque méconnaissable d’un film à l’autre, est le seul souvenir vraiment persistant de Hereafter. Elle en reste à la périphérie ; en soi une mesure des cibles que le film se désigne, et qu’il rate dans les grandes largeurs. Monsters de Gareth Edwards est un animal rare : un petit film archi-buzzé qui tient réellement ses promesses ! Et même au-delà, tant le film déjoue avec une certaine poésie les attentes de son titre. Pas un film de monstres géants (mais ils sont là, corps étrangers et menaçants, conçus sur son ordinateur par Edwards lui-même, parfaitement rendus à l’image), mais une love story apocalyptique qui n’aurait pas fonctionné en des temps moins chahutés (façon District 9, des Aliens ont débarqué sur Terre il y a des années et l’humanité s’est adaptée) ; la beauté des paysages dévastés rencontrés par le couple vedette insuffle l’étincelle à leur histoire… On vous a promis John Carpenter dans le chapeau de ce papier. Et on ne vous a pas tout à fait menti. Son premier long métrage en dix ans ( !), The Ward, est présenté ce soir à Midnight Madness. Le comeback de Big John ? Wait and see
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