Le film de superhéros de Chloé Zhao mérite-t-il l'accueil qu'il a reçu lors de sa sortie ? Réponse ce dimanche pour sa première diffusion en clair à la télévision.
Mise à jour du 29 octobre 2023 : Deux ans après sa sortie au cinéma, Les Eternels est diffusé pour la première fois en clair, ce dimanche sur TF1. Lors de sa sortie, le film s'était fait laminer par la critique, au point devenir le Marvel le plus mal noté sur Rotten Tomatoes (Ant-Man 3 lui a depuis pris cette place peu enviable). Et le public l'a également sanctionné, avec seulement 400 millions de dollars de recettes dans le monde 250 millions de budget hors-marketing.
Sa réalisatrice, Chloé Zhao, avait assumé cet échec, affirmant ne pas avoir cherché "à faire consensus, parce que c'est un obstacle à tout processus de création authentique" ! Reverra-t-on un jour Les Eternels ? Rien n'est moins sûr. Aucun film ou série du MCU ne les a mentionné depuis, et Kevin Feige n'a pas commandé de suite. Le film a pourtant ses fans, et à Première on l'avait d'ailleurs défendu lors de sa sortie. Voici notre critique publiée à l'époque :
Chloe Zhao explique l'accueil mitigé des Éternels et la réaction des fans MarvelArticle du 2 novembre 2021 : Comment garder intacte la flamme du MCU ? Pendant la pandémie, les séries télé comme WandaVision et Loki ont maintenu les fans en éveil. Mais il faut faire revenir les fans au cinéma. Après le loupé Black Widow et le "premier film Marvel asiatique" sous la forme de Shang-Chi, Les Eternels incarne la nouvelle stratégie Marvel : faire des films au cinéma de véritables événements de cinéma total, de vrais films d’auteur ; la preuve en engageant une vraie réalisatrice star, en l’occurrence Chloé Zhao, autrice de Nomadland qui a fait d’elle la deuxième femme à jamais recevoir un Oscar de la Meilleure réalisatrice. Et pour son arrivée au sein du MCU, elle met la barre très haut, en adaptant non pas l’un des comics les plus populaires du catalogue mais bien l’un des plus ambitieux.
Tout commence il y a bien 7000 ans, quand les Célestes (des créatiques cosmiques quasi divines) créent les dix Eternels, des êtres surhumains chargés de protéger la Terre des Déviants, des créatures semant le chaos et la destruction. Utilisant leurs pouvoirs, les Eternels ont vaincu les Déviants, ont fait progresser les civilisations humaines antiques, et se sont éclipsés en se faisant passer pour des gens normaux. Et devinez quoi ? Quand le film commence, les Déviants sont de retour, et ce come-back préfigure évidemment une catastrophe d’ampleur planétaire.
Au cœur de l’ADN du MCU -pardon pour l’abus de sigles-, il y a une formule, pas magique du tout, que l’on pourrait synthétiser ainsi : un mélange de volonté très louable de grand cinéma populaire et de prudence artistique toute politiquement correcte autour de la structure prévisible du "voyage du héros". Avec une bonne dose de scènes d’action animées par ordinateur en amont du tournage, sur lesquelles les réalisateurs n’ont souvent pas de prise.
La bonne nouvelle des Eternels, c’est que le film donne l’impression de vouloir exister contre cette formule. En prenant soin de ses personnages, en les faisant exister hors d’un schéma héroïque pré-digéré, en multipliant les flash-backs racontant quelques millénaires de l’histoire humaine, en refusant les vannes méta un peu lourdes sans refuser la légèreté, et enfin en intégrant beaucoup mieux ses scènes d’action épiques à sa narration.
Omettant complètement tout le reste du MCU (à l’exception de très brefs clins d’œil), Les Eternels veut être un nouveau départ pour la franchise, sous la forme d’un film choral de persos méconnus, prêts à être investis d’une nouvelle vie de cinéma. Zhao, qui semble avoir eu carte blanche -fait rarissime dans l’histoire de la superfranchise, elle est aussi créditée au script- ouvre ainsi son film sur un opening crawl à la Star Wars, moins pour signifier qu’il s’agit d’un film à part que pour utiliser le même procédé introductif que George Lucas. Non, Les Eternels n’est pas un film d’auteur absolu et visionnaire, mais un bon film choral, voulant plutôt donner la priorité au collectif.
Même si, visuellement, on est dans un design épuré, très 2010 -les Déviants font penser aux animaux d’Avatar- à des années-lumière des délires visuels du créateur des Eternels Jack Kirby (dont le style serait impossible à transposer au cinéma, tant il épouse totalement le médium de la page de papier des comics), le film fonctionne. Le cœur y est. Les Eternels existent, parfois maladroitement, parfois imparfaitement, mais cette maladresse et cette imperfection ne font pas dérailler le film, au contraire : on finit par croire à ces êtres surpuissants et fragiles qui tournent le dos à l’humanité. Notamment lors d’une très belle scène, celle de la Noche Triste, pendant le pillage de Tenochtitlan par les conquistadores en 1520, lorsque l’Eternelle Thena (Angelina Jolie) devient folle de colère guerrière sous le poids de sa mémoire et du trop-plein de ses souvenirs accumulés pendant des milliers d’années.
Les Eternels souffre également de ce trop-plein, qui prend la forme d’arcs narratifs plus ou moins exploités condensant en 2h40 ce qui aurait pu tenir en une saison entière de série (le trip gourou de Barry Keoghan, la vie de couple de Brian Tyree Henry, la carrière d’acteur bollywood de Kumail Nanjiani, tout cela aurait pu donner de bons standalones…), : on pense évidemment à Sense8, qui semble être le modèle rêvé de ces Eternels -mêmes couleurs, même feeling planétaire, mêmes ondes gay-friendly. Si, à la toute fin, le MCU reprendra ses droits (cela reste une constante dans l’univers : rien ni personne ne peut échapper à la gravité), ce n’est pas si grave. On a envie d’aimer ces Eternels, héroïnes et héros bien incarnés, offrant un joli redémarrage du MCU dans un film plus feelgood qu’on aurait cru. Profitez-en, car on ne sait pas si ça va durer.
Les Eternels : les deux scènes post-générique expliquées
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