Ce soir, Ciné+ Club fait la place à un film-clé de la filmographie de Francis Ford Coppola, à défaut d'en être l'un des plus populaires : Coup de cœur, sorti dans les salles obscures en 1982. Alors que le cinéaste est à peine remis du tournage dantesque puis du triomphe miraculeux d'Apocalypse Now, aussi bien critique que public et auréolé de la Palme d'Or et de huit nominations aux Oscars, il s'engage dans ce projet en apparence beaucoup plus modeste et plus léger.Comédie romantique et musicale aux allures de chronique sur l'Amérique populaire, Coup de cœur va finalement marquer l'arrêt brutal de l'âge d'or de la filmographie de Coppola, le tournant entre le faste des années 70 et les années 80 beaucoup plus difficiles, à l'image de beaucoup de ses copains du Nouvel Hollywood. Aujourd'hui assez méconnu, Coup de cœur reste donc à sa manière un film important pour comprendre l'évolution de la carrière du maître Coppola. Retour sur une catastrophe qui fut le début d'une période de vaches maigres pour le cinéaste.Un projet intimiste mais ambitieuxAu moment où Coppola lance le projet Coup de cœur, il est bien conscient qu'il lui est impossible de replonger dans le tumulte d'un tournage aussi démesuré et chaotique que ne le fut celui d'Apocalypse Now, entouré de toutes les légendes que l'on connaît. Pour son nouveau film, il aspire à plus de tranquillité et surtout de contrôle afin de pérenniser sa société de production Zoetrope Studios, passée au bord de la catastrophe à cause des multiples contretemps du tournage d'Apocalypse Now.Mais qui dit sujet modeste ne dit pas forcément moyens modestes. Pour filmer l'histoire du couple formé par Hank (Frederick Forrest) et Frannie (Teri Garr), il choisit de tout tourner en studio, mais pas de n'importe quelle façon. Pour recréer l'atmosphère irréelle et artificielle de Las Vegas, où vit le couple, il intègre et maximise le kitsch dans sa mise en scène à travers d'innombrables effets de lumières, de couleurs, de teintes, de superpositions... pour former un Vegas quasi kaléidoscopique. Et tout cela en opérant selon un système de travail particulier, enfermé dans une régie d'où il supervise tous les opérateurs vidéo du tournage.Véritable foisonnement visuel permanent, Coup de cœur met à profit l'inventivité scénique de Dean Tavoularis, décorateur attitré de Coppola, qui reconstitue en studio des décors impressionnants, avec en point d'orgue une rue complète de la ville bâtiment par bâtiment. Porté par une bande-son signée Tom Waits, Coup de cœur se veut selon les désirs de Coppola une grande tragédie intime, ou la vie des sentiments des héros contraste avec leur environnement fonctionnant comme le proscenium du théâtre intime.Un échec commercial et de lourdes conséquencesMais une telle ambition formelle a un coup et le budget initial très modeste de deux millions de dollars explose rapidement face à l'ampleur des travaux opérés sur le tournage. Coup de cœur coûtera finalement plus de 25 millions de dollars et la rue de Las Vegas devient à l'époque le plateau de tournage le plus cher de l'histoire. Mais alors que l'explosion des coûts sur le tournage d'Apocalypse Now n'avait pas empêché son succès, il n'en sera malheureusement pas de même pour son successeur.Le public et la critique, déroutés par un résultat qui ne ressemble à pas grand chose de connu, et flirte pour certains avec la maniérisme pompier, ne s'enthousiasme pas pour le résultat, et cela se traduit en salles. Après un début catastrophique pour son premier week-end d'exploitation, Coup de cœur ne rapporte finalement que 630.000 dollars de recettes en salles. Un score catastrophique qui fait du film l'un des accidents industriels les plus emblématiques de son époque.Indirectement, les échecs à quelques mois d'intervalle du film et d'un autre grand film maudit du Nouvel Hollywood, La Porte du Paradis de Michael Cimino, marqueront pour les observateurs la fin symbolique du mouvement. Mais plus généralement, le four de Coup de Coeur ouvre une décennie extrêmement compliquée pour Coppola, criblé de dettes et obligé d'hypothéquer une partie de ses biens personnels pour continuer à tourner. Jusqu'en 1990, année où il sera obligée de déclarer Zoetrope Studios en faillite (le studio reprendra alors son nom original, American Zoetrope), Coppola tourne généralement avec de très petits budgets et alterne rares succès (Outsiders et surtout Peggy Sue s'est mariée) et gros revers (Rusty James, Cotton Club, Jardins de pierre, Tucker). Tous ces films, Coppola a déclaré les avoir fait pour éponger les dettes de Coup de cœur. Beaucoup s'en seraient nettement moins bien sortis sous une telle pression...L'histoire de Coup de cœur : Dans un Las Vegas de rêve. Hank et Frannie qui ont vécu cinq années durant une belle histoire d'amour, décident de se séparer. Hank s'est dégradé physiquement, bouffi par l'alcool, tandis que Frannie, employée dans une agence de voyages, rêve d'évasions impossibles. Frannie va rencontrer un serveur, Ray, qui se fait passer pour un chanteur de charme. Hank fait la connaissance de Leila, une jeune et jolie acrobate qui vient de rompre avec sa famille et attend beaucoup de cette nouvelle aventure... Coup de cœur est diffusé ce soir à 22h15 sur Ciné+ Club.
Commentaires