Fluctuat
Jumper rate à peu près toutes ses promesses en collant trop à son concept. Speedé, hyper elliptique, archi découpé, nouveau modèle d'un cinéma google où l'on est partout sans rien voir, c'est surtout un film plein de vide alors que tout y semblait possible.
- Exprimez-vous sur le forum cinémaLa Mémoire dans la peau doit être une anomalie dans la filmo de Doug Liman, ou alors un malentendu. Car à revoir Go et Mr. and Mrs. Smith et maintenant Jumper, on doute qu'il fasse illusion plus longtemps. Le concept était pourtant génial : un teenager complexé, abandonné par sa mère et fou amoureux d'une copine de lycée, découvre qu'il peut se téléporter. En dix minutes de film, à peine, il maîtrise son pouvoir, devient plein aux as en cambriolant des banques, fait le tour du monde, et comprend qu'il est la proie d'une obscure caste cherchant à l'éliminer alors qu'il emmène son amour d'enfance à Rome. Pas de préliminaire donc, Jumper fonce droit à grand coup d'ellipses, c'est le film jump-cut, du cinéma google, on passe d'un pays à l'autre en un raccord, et vite, très, trop. L'effet zapping permanent colle tellement au concept qu'il produit une cohérence absurde : puisqu'il n'y a plus de limites, de frontières, d'espace-temps, le film saute sans transition de scène en scène. En découle une intensité neutre, rien de spectaculaire ou d'extraordinaire alors que tout est supposé l'être, que des plans qui s'enchaînent sans laisser le temps de voir quoi que ce soit.On sent pourtant la volonté de créer les bases d'un univers de comics orienté teenager : le récit, minuscule, traite essentiellement d'une romance pour moins de quinze ans sur une tonalité mi naïve mi réaliste parfois en rupture avec le reste. Mais ça tient tellement sur rien qu'on constate vite que le film ne repose en vérité que sur la promesse de son concept, une course poursuite frénétique dans un monde abstrait et déréalisé. Très contemporain finalement, Jumper épouse l'esthétique de son époque en fabriquant un héros pour qui le réel n'a plus de contraintes. Il n'est pour lui qu'un terrain de jeu et de plaisir hédoniste où sa quête n'a rien d'universelle : il observe les victimes d'une catastrophe naturelle d'un haussement d'épaule et ne veut sauver que sa girlfriend. Véritable modèle d'égoïsme, le héros de Jumper est un personnage presque blasé. Seul l'amour l'angoisse, c'est sa motivation. Pas la moins noble certes, et tout ça aurait pu donner un objet étrange et excitant, voire ludique, si Doug Liman s'arrêtait pour regarder ce qu'il filme. Au contraire, il suit bêtement son projet à la lettre et ne montre finalement qu'un trailer du film qu'il aurait pu tourner. Jumper
De Doug Liman
Avec Hayden Christensen, Samuel L. Jackson, Jamie Bell
Sortie en salles le 20 février 2008
Illus. © Twentieth Century Fox France
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