De Vincent à Dumbo, le réalisateur a développé cette obsession dans presque tous ses films !
Dans Big Eyes, sorti en 2015 au cinéma (et de retour ce dimanche sur Arte), Tim Burton trouve une nouvelle expression de son obsession pour les yeux. Il y plonge en effet dans le regard de Margaret Keane, peintre dont la spécialité était les portraits de personnages aux yeux écarquillés et surdimensionnés qui furent hyper populaires à la fin des années 1950. Une œuvre qui, bien plus qu'un simple biopic, dessinera en creux le portrait d'une obsession toute particulière du cinéaste concernant les globes oculaires de ses héros. Plus il sont gros, plus ils sont burtoniens. D'ailleurs, le cinéaste avait confié au cours d'une interview se reconnaître à travers le travail d'Elizabeth Keane. Car cela ne trompe personne, Burton a très certainement puisé dans ces peintures un goût pour l'étrangeté de l'oeil déformé qui se reflète dans ses propres créations.
Big Eyes : Ouvrez grand les yeux pour Tim Burton, Amy Adams et Christoph Waltz [critique]Tous les regards ne sont pas identiques chez Burton, et tous n'épousent pas le goût du gigantisme. Mais cette caractéristique se retrouve dès ses œuvres de jeunesse. Dans son premier court-métrage, les énormes yeux de Vincent Molloy ne faisaient qu'amplifier le regard pénétrant de Vincent Price, idole de jeunesse du réalisateur. Que ce soit à travers Les Noces Funèbres ou le remake de son court-métrage Frankenweenie, tout le reste de la filmographie animée reprendra ce goût du regard expressionniste, à la fois enfantin et effrayant, qui se retrouvent aussi dans les yeux "balles de ping-pong" des aliens de Mars Attacks !.
Ses créations littéraires comme Stainboy, The Staring Girl ou The Girl with Many Eyes sont le prolongement logique de cet univers. Même un contre-exemple comme le Jack Skellington de L'Étrange Noël de Monsieur Jack (personnage créé par Burton bien que le film soit réalisé par Henry Selick) ne s'en éloigne finalement pas tant avec ces deux gros trous béants qui lui servent d'yeux. Lorsqu'il n'est pas lui-même énorme, l'œil est quoi qu'il en soit artificiellement élargi par des maquillages abondants, bien souvent en contraste avec des peaux particulièrement pâles. Le cas le plus extrême restant celui de Beetlejuice, dont le fard lui dévore les paupières du sourcil jusqu'à la pommette, comme deux tâches noires qui semblent presque faire sortir l’œil de leur orbite. À un moindre degré, de très nombreux personnages burtoniens suivent le même schéma : c'est le cas du Pingouin dans Batman : le Défi, d'Edward aux mains d'argent, du Chapelier Fou dans Alice au pays des merveilles (bien que son maquillage ne soit pas noir), ou encore de Barnabas Collins dans Dark Shadows. Enfin, dernier grand groupe des "big eyes" burtoniens : les lunettes, énormes voire déformantes qui tantôt masquent le regard, tantôt le grossissent, à l'image de celles qu'aime régulièrement porter Burton lui-même. Si les culs de bouteille qui servent de verres à Willy Wonka sont déjà en soi assez remarquables pour souligner l'excentricité du personnage, la folie lunetière vire au grand n'importe quoi dans Sleepy Hollow avec les lunettes-loupe steampunk que porte régulièrement Ichabod Crane. Et même lorsqu'il fait un détour par le clip musical, comme pour la chanson "Here with Me" de The Killers, il ne peut pas s'empêcher d'affubler son héros d'une bonne paire de lunettes noires où se reflètent une femme clouée sur une spirale. Notons aussi l'utilisation plus macabre qui est faite de ce thème dans Miss Pérégrine et les enfants particuliers, une adaptation libre de la saga littéraire de Ransom Riggs dans laquelle les yeux tiennent une place importante... et terrifiante.
Eva Green: "Tim Burton et moi"Au final, lorsqu'on vous demande de dessiner un visage à la Tim Burton, il y a de fortes chances que les yeux en avalent la moitié. Tout comme la main, l'œil est une sorte de fétichisme dans l'esthétique du réalisateur. Mais loin de devenir une simple caricature, les yeux sont toujours le moteur de l'émotion qui rend les personnages de Burton attachants : tour à tour tristes, espiègles, menaçants, perçants, ils sont ce qui leur donne vie et les font entrer dans notre imaginaire collectif.
Tim Burton : "La frontière entre la réalité et l'imaginaire est très floue"
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