Ces deux films ont été réalisés par des cinéastes français, Jacques Audiard et Coralie Fargeat, mais dans une autre langue et avec un casting international. Comment expliquer leur sélection aussi différente aux César ?
Quelques jours après ses 13 nominations aux Oscars, Emilia Pérez, de Jacques Audiard, fait presque aussi bien au sein de la sélection des César, avec 12 mentions. Seuls Le Comte de Monte-Cristo et L'amour ouf ont fait mieux cette année ! Ce film figure notamment dans les catégories meilleur film, réalisation, actrices, adaptation, musique... et a donc de grandes chances de remporter des prix lors de la 50e cérémonie, prévue le 28 février prochain.
En revanche, The Substance, réalisé par Coralie Fargeat, n'est présent que dans une catégorie : meilleur film étranger. Pourtant, les deux œuvres ont été filmées dans une autre langue que le français, et avec une distribution internationale : en espagnol pour Emilia Pérez, avec Karla Sofia Gascon, Zoe Saldana et Selena Gomez ; en anglais avec Margaret Qualley et Demi Moore pour The Substance.
Ce n'est pas une question de réception critique, ces deux longs métrages ayant été globalement acclamés dans la presse depuis leur découverte au dernier festival de Cannes, au cours duquel ils ont tous les deux été récompensés...
Cannes 2024 : quand le jury déjoue les pronostics !Est-ce lié au genre de ces deux films ? Fargeat a choisi le body horror, Audiard un mélange de comédie musicale et de thriller. Quand L'Amour ouf a lui aussi mixé les genres, entre musical, romance et violence, et se retrouve très bien représenté aux César 2025. Les films de SF français sont en revanche peu visibles dans la sélection cette année : une mention pour La Bête, avec Léa Seydoux, une autre pour Souheila Yacoub dans Planète B, aucune trace d'Animale, d'Emma Benestan...).
Cela n'a cependant pas empêché The Subtance d'avoir un certain succès dans l'Hexagone. D'ailleurs, ces deux films ont trouvé leur public chez nous, avec respectivement 1,1 millions d'entrées depuis la mi-août pour Emilia Pérez et 550 000 pour The Substance depuis novembre, malgré son interdiction aux moins de 12 ans.
Alors pourquoi ces deux films ont-ils eu une sélection aussi différente aux César 2025 ? C'est en fait une question de production.
Voici la règle : il faut être une production française majoritaire pour être éligible au César du meilleur film, et aux autres, qui découlent des mêmes directives données par l'Académie des Arts et Techniques du Cinéma. Ce qui n’est pas le cas de The Substance, production américano-britannique tournée en France avec le soutient des sociétés Working Titles (derrière Last Night in Soho par exemple) et Mubi pour sa distribution américaine. Si Emilia Pérez se déroule au Mexique, il a bien été filmé par Audiard en studio, en France, financé par Why Not Productions (également aux commandes de La Petite vadrouille ou Bis Repetita l'an dernier) et Page 114 (la boîte de Jacques Audiard), accompagnés par Pathé -son distributeur local-, France 2, Canal +...
La règle est différente aux Oscars, où les productions de tous les pays peuvent concourir parmi les meilleurs films, du moment qu'ils sont sortis en salles aux Etats-Unis dans un nombre de salles et une durée minimum. Chez eux, les films étrangers sont sélectionnés parmi des oeuvres présentées par les différents pays, ce qui explique pourquoi Emilia Pérez, choisi par la France pour cette édition et figurant parmi les finalistes, apparaît cette année à la fois au sein de la liste des meilleurs films internationaux et de celle des meilleurs films tout court.
Voici précisément l'extrait de l'article 3 du règlement des César qui précise la définition des œuvres françaises éligibles :
Pour tout savoir sur les César, rendez-vous dans notre dossier spécial"Sont admis à concourir pour l’attribution du « César du Meilleur Film » tous les films de long métrage d’initiative française (production de majorité relative française et cessionnaire des droits d’auteurs) au sens de la réglementation française, quelle que soit la langue de tournage. Pour pouvoir concourir, ces films doivent avoir reçu l’agrément de production délivré par le Centre National de la Cinématographie et avoir obtenu un visa d’exploitation délivré par le·la Ministre de la Culture. Ces films doivent par ailleurs être sortis, en première exploitation, dans au moins une salle de cinéma du secteur commercial de la région parisienne entre le 1er janvier et le 31 décembre de l’année précédant celle de la remise des « César » et avoir fait l’objet d’une exploitation commerciale pendant au moins une semaine (7 jours consécutifs) dans cette salle.
(...)
Toutefois, un film ne remplissant pas les conditions visées à l’article 3-A ci-dessus mais dont les composantes artistiques et techniques sont majoritairement françaises, peut après étude par le Bureau de l’Académie être admis à concourir pour l’attribution du « César du Meilleur Film ». (...) Les décisions du Bureau sont souveraines et non susceptibles d’appel."
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