Trois kilomètres jusqu'à la fin du monde (2024)
Memento Distribution

Pour sa venue en compétition le cinéaste roumain Emanuel Parvu signe un drame sur l'homophobie dans son pays. Le résultat est malheureusement beaucoup trop convenu.

Le cinéma roumain souffle sur les braises d’une apocalypse. Le pays nage encore dans la mémoire d’un temps pas si lointain où la dictature communiste mettait les hommes et les idées sous cloche. Et puisqu’on ne guérit pas en un jour, tout le cinéma roumain contemporain s’emploie à filmer une société viciée, corrompue jusqu’à l’os et donc jusqu’à l’absurde. N’attendez pas trop de la fin du monde nous avertissait l’année dernière Radu Jude avec sa comédie « what’s the fuck » qui portraiturait une Roumanie urbaine et chaotique. Et aujourd'hui, Emanuel Parvu nous propose de l'accompagner sur Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde. Le cinéaste, en compétition pour la première fois, signe  un thriller provincial qui se voudrait aussi implacable que son titre se voudrait malin. A Tulcea, petite ville située sur les rives du delta du Danube où se situe ces trois kilomètres, la population est harnachée au poids des traditions qu’elles soient religieuses et politiques. Chacun place sa morale où il l’entend. Dès lors, que peut un jeune garçon de 17 ans promis à un avenir dans la marine, s’il est, selon un euphémisme policier, « dans l’autre camp » ?  Adi, c’est son nom, aime les garçons. En Roumanie l’homosexualité a été dépénalisée il y a vingt ans à peine et il en faut forcément plus pour que la loi s’accorde aux mœurs. Résultat, dès les dix premières minutes du film, le visage de l’ado aura l’apparence de celle d'un boxeur.

Emanuel Parvu ménage son petit effet par une mise en scène à la précision étudiée (le cadre plus fort que les personnages) puis déroule son portrait au vitriol d'une Roumanie rétrograde. Ici-bas, les flics sont corrompus et les notables, des salauds. La belle affaire! Pendant ce temps-là, Adi ne dit rien (ou presque), muselé par des parents sévèrement bornés, un prêtre replet prompt à exorciser la brebis égaré. On croit un temps qu’Emmanuel Parvu va s’engouffrer dans la farce. Ce qu'il fait le temps d'un plan, avant de reculer. Il préfère ménager un suspens plus ou moins artificiel sur l’émancipation possible de son jeune héros. Un dernier regard vers son visage gonflé, reflet de la honte de tout un pays, et le héros peut sortir du cadre. Adi parviendra-t-il à prendre une barque et filer sur le Danube à la poursuite de son destin ? On lui souhaite évidemment le meilleur. C’est le moins que l’on puisse faire.

3 kilomètres jusqu’à la fin du monde. D’Emanuel Parvu. Int. Bodgan Dumitrache, Ciprian Chiujdea, Laura Vasiliu... Durée : 1h45.