Bruce Willis et Samuel L. Jackson reviennent à 21h sur W9.
Les épisodes précédents :
L'histoire secrète de Die Hard : les racines de la saga
L'histoire secrète de Die Hard : Piège de Cristal
L'histoire secrète de Die Hard : et si 58 minutes pour vivre était un bon film ?
Mars 1990. Alors que tournage de 58 minutes pour vivre n'est pas encore terminé, le producteur de la saga Lawrence Gordon a déjà mis la main sur le sujet qui, pour lui, devrait être celui des prochaines aventures de John McClane : un scénario original intitulé Troubleshooter, écrit par James Haggin, qui raconte la prise en otage d'un paquebot de croisière de luxe par un groupe de terroristes. A l'été 1990, alors que 58 minutes pour vivre est un succès et que le futur de la franchise semble assuré, Gordon embauche le scénariste W. Peter Iliff (Point Break) pour transformer Troubleshooter en Die Hard 3. Mais en pleine rédaction du script, Iliff est contacté par la New Regency Production pour réécrire un scénario intitulé Dread Naught (futur Piège en Haute mer), très similaire à celui qu'il est en train de finir pour McClane. Panique à bord ! Iliff refuse la proposition de New Regency Production, mais désormais, c'est clair : un sujet voisin est en développement et une véritable course contre la montre s'engage entre les deux projets. Le début des problèmes.
1991. L'idylle entre l'équipe historique des deux premiers Die Hard semble devoir prendre fin. Bruce Willis vient de tourner Hudson Hawk pour le producteur Joel Silver (un échec) et quand ce dernier engage la star sur Le Dernier Samaritain, il provoque la colère de Lawrence Gordon qui s'embrouille avec l'acteur et avec son partenaire producteur. Pire : le trio découvre que le tournage de Piège en Haute Mer commence (et que le Die Hard 3 de Gordon et Iliff vient donc de se faire doubler) et la situation dégénère. Fox refuse de financer Die Hard 3 à cause du projet concurrent, d'un budget trop élevé et du cachet demandé par Bruce Willis. Gordon envisage un instant de tourner le film sans Bruce Willis, lui-même en froid avec Joel Silver ! La situation est désormais ingérable et Joe Roth, le président de la Fox, est obligé d'intervenir pour sauver le film : Silver et Gordon sont écartés par le studio contre un parachute doré de 750 000 dollars chacun.
Aïe Hard
Pour le studio, l'urgence est de trouver un nouveau producteur. La Fox se tourne alors vers Andrew Vajna, producteur des Rambo, de Total Recall et qui vient de terminer Medicine Man de John McTiernan. Le premier objectif de Vajna, qui avait déjà sauvé la saga Terminator d'une situation similaire, c'est de convaincre le réalisateur du Die Hard original de revenir aux commandes de la franchise. Mais pour ça, il lui faut trouver un sujet susceptible de mettre tout le monde d'accord. Problème : Hollywood semble décidé à s'engouffrer dans la brèche ouverte par les films de John McTiernan et Renny Harlin et la formule Die Hard est déclinée sous toutes les variations possibles. A partir de 1992 débarquent successivement sur les écrans Piège en Haute Mer (Die Hard dans un bateau de guerre), Passager 57 (Die Hard dans un avion) et Cliffhanger (Die Hard à la montagne). Vajna doit donc non seulement trouver une bonne histoire, mais faire en sorte qu'elle ne ressemble pas à l'un des films clones en production. En un mot : un casse-tête.
Scénaristes en enfer
Après le refus de Shane Black (L'Arme Fatale, Last Action Hero), c'est John Milius (Apocalypse Now) qui devient le nouveau scénariste. Milius laisse tomber l'idée du paquebot (idée recyclée dans... Speed 2 !), pour placer John McClane dans un nouvel environnement : la jungle ! Son projet de film - sous-titré Tears of the sun - devait se dérouler au Laos, mais là encore, le script n'est pas retenu (le titre du projet deviendra celui d'un film d'Antoine Fuqua, toujours avec Bruce Willis, en 2003, après avoir été envisagé comme sous-titre de Die Hard 4). Vajna remplace alors Milius par John Fasano et Doug Richardson (auteur de Die Hard 2) et leur demande de développer chacun un script différent... en même temps ! Dans celui de Fasano, la fille de McClane est kidnappée par des terroristes qui pensent s’emparer de la nièce d’un riche industriel. De son côté, Richardson travaille sur un pitch différent : des terroristes prennent le contrôle du métro de Los Angeles, mais leur véritable intention est de cambrioler la réserve fédérale de la ville. « C'est vraiment sur Die Hard 3 que j'ai fait connaissance avec Bruce Willis et que nous avons sympathisé » nous explique Doug Richardson. « Je peux vous le dire : Die Hard 3 aurait du avoir pour titre : "Bruce Willis ne veux pas tourner Die Hard 3 - s'il vous plait arrivez à me convaincre de faire Die Hard 3 - je ne veux pas faire Die Hard 3 ! - Choisissez un Die Hard 3 !"(rires). Ma seule contribution dans le film c'est le cambriolage de la réserve fédérale. En dehors de ça, il y a plus de moments de ma version de Die Hard 3 dans Speed, que dans le film Die Hard 3. Vous vous souvenez du final de Speed, avec ce métro fou qui ne peut plus s'arrêter ? Eh bien, c'était mon troisième acte de Die Hard 3 ! ».
L'Attaque des clones
Trouver un sujet original pour ce troisième épisode est d'autant plus compliqué que les clones de Die Hard continuent de déferler sur les écrans. Outre Speed, réalisé par le directeur de la photographie de Piège de Cristal Jan de Bont (Die Hard dans un bus et dans le métro), on voit apparaître Le Flic de Beverly Hills 3 (Die Hard dans un parc d'attractions) écrit par le scénariste des deux premiers Die Hard, Steven De Souza. Et les producteurs de Piège en Haute Mer enchainent de leur côté avec Piège à Grande Vitesse (Die Hard dans un train) et préparent Sudden Death (Die Hard dans un stade)... De Souza rapporte même qu'un cadre de studio tête en l'air aurait tenté de l'embaucher pour écrire un film dérivé de Die Hard, avec une variation qu'il croyait inédite : "Die Hard dans un building" !
Arme fatale
C'est finalement John McTiernan qui tombe sur le scénario qui deviendra Une journée en enfer, lorsque le scénariste Jonathan Hensleigh lui laisse une copie d'un de ses scripts non produits, intitulé Simon Says. Hensleigh est l'homme providentiel de Die Hard 3. Le type au bon endroit au bon moment. Simon Says a été vendu à la Fox, co-productrice des Die Hard, en janvier 1993, et le studio utiliserait bien ce scénario soit pour la suite de Rapid Fire avec Brandon Lee, ou bien pour L’Arme Fatale 4. L'histoire ? Un flic blanc est obligé de faire équipe avec un activiste noir pour contrer un terroriste poseur de bombes jouant à Jacques-a-dit ("Simon Says" en anglais). Dès la lecture du script, McTiernan, Willis et Vajna voient immédiatement comment le sujet peut devenir Die Hard 3. Après validation par la Fox, Hensleigh se met au travail, rajoutant progressivement des éléments des scripts précédents, comme le hold-up de la réserve fédérale, avant de transformer le vilain en frère de Hans Gruber. Et le tournage est lancé...
Die Harder
Mais les problèmes de production ne vont pas s'arrêter là : le studio refuse par exemple la scène ou McClane est obligé par Gruber de porter un panneau "Je hais les nègres" dans Harlem. Devant le refus des producteurs, du réalisateur et du scénariste, de la supprimer, la radicalité du personnage de Zeus, incarné par Samuel Jackson, est atténuée, et certains dialogues retraçant son passé disparaissent au montage. Ils restent, par chance, visibles dans un rare making of. On peut voir dans cette vidéo Zeus confier à McClane que son frère était un respectable citoyen, tué par un flic blanc dans une maison de crack. Son crime ? Etre venu le chercher (Zeus donc) défoncé jusqu'à la moelle... Une information qui explique pourquoi ce dernier a désormais la charge d'élever ses deux neveux, et pourquoi il déteste tant les blancs et particulièrement les flics.
La séquelle du désir
Parallèlement, la violence du film est édulcorée après le passage devant le MPAA. Dans le montage final, la plupart des impacts de balles semblent avoir été ramenés de trois à un, comme dans cette scène sur le bateau où McClane descend l'un des hommes de Gruber. On peut voir (toujours dans ce making of) que la pointe de fer que McClane plante dans la jambe de Targo, le géant blond, disparaît au plan suivant et qu'un passage au cours duquel McClane étrangle son adversaire avec une chaîne a disparu (faites un arrêt sur image à 1h 37m 13s sur le DVD : Lorsque McClane lui arrache sa montre après l'avoir achevé, Targo porte un pendentif bien encombrant autour du cou !). Pire, la fin originale (visible dans les bonus du DVD), jugée trop brutale, est intégralement remplacée par la conclusion actuelle, qui fut tournée quelques semaines seulement avant la sortie.
Malgré ses coupes, Une journée en enfer reste, de loin, la meilleure séquelle à Die Hard, et sans aucun doute la meilleure performance de Bruce Willis dans le rôle de John McClane, tous épisodes confondus à ce jour. Son portrait du flic-épave, se trainant un mal de tête, évoluant dans une atmosphère de guerre civile urbaine, et de plus en plus physiquement détérioré au fur et à mesure que l'histoire avance, est aujourd'hui devenu culte. Et tant pis si de nombreux fans de la saga semblent penser qu'il s'agit du pire épisode de la série. Il y a des jours comme ça...
Par David Fakrikian
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