Le train en mouvement perpétuel est de retour, dans une adaptation télévisuelle bien moins spectaculaire que le film de Bong Joon-ho.
Il est crédité en tant que producteur exécutif, mais il est bien difficile de voir la patte de Bong Joon-ho sur ce Snowpiercer-là... Sa version de 2014 a été transposée en série télé par la chaîne câblée américaine TNT. Et le résultat est plutôt conforme à ce qu'on attendait : moins cool que le film, mais pas dénué d'intérêt.
L'histoire se déroule toujours dans un monde apocalyptique, frappé par une nouvelle ère glacière. Alors que le réchauffement climatique était en train de tuer la planète, des scientifiques ont décidé d'envoyer des missiles dans l'atmosphère pour refroidir tout ça. Oups... Ils ont provoqué une glaciation totale de la Terre. L'humanité n'a pas survécu, hormis une poignée de miraculés, qui ont trouvé refuge à bord d'un train filant à toute allure autour du monde, sans jamais s'arrêter. L'énergie continue de la machine en mouvement l'empêche de geler et permet de produire électricité et confort aux milliers de passagers qui ont eu la chance d'acheter leur billet pour cette arche du futur. Seulement voilà, quelques dizaines de survivants désespérés ont forcé l'entrée du train juste avant son départ. Ils ont été relégués dans le dernier wagon, vivant depuis comme des rats, rêvant d'une vie meilleure parmi les classes supérieures...
Il faut rappeler qu'à la base de Snowpiercer, il y a une bande dessinée française. Le Transperceneige est une oeuvre de science-fiction créée par Jacques Lob et Jean-Marc Rochette (publiée à partir de 1982). C'est à eux qu'on doit cette brillante analogie de la lutte des classes, prenant le train comme métaphore de la société, au sein de laquelle les laissés-pour-compte rêvent d'avancer vers des wagons mieux lotis, prêts à faire la révolution quand l'ordre établi les repousse encore et toujours en queue de convoi. Cette idée est bien évidemment reprise par la série télé, qui se sert de l'allégorie comme moteur d'une intrigue nettement plus classique : un murder mystery !
Oui, pendant une grosse partie de la première saison, Snowpiercer penche du côté du "cop show", où Layton (le héros charismatique des exclus du bout du train) s'avère être le dernier flic de la police criminelle encore en vie. C'est donc lui que les autorités compétentes viennent chercher, pour qu'il utilise ses talents de détective et résolve un meurtre sordide, qui génère une certaine agitation parmi les riches passagers. Autant dire que ce twist scénaristique est franchement déceptif et on se dit que les auteurs n'ont pas vraiment creusé très loin pour explorer le mythe de Snowpiercer. Une bonne grosse enquête policière, comme on en voit mille chaque année dans le poste, il y avait certainement moyen d'envisager l'adaptation autrement qu'avec des sabots aussi énormes ! Pour autant, il faut reconnaître que cela offre à la série un contexte totalement différent du film. Un contexte qui génère de véritables interactions entre les passagers réguliers du train et les resquilleurs du dernier wagon. Des scènes intéressantes, qui donnent une autre épaisseur aux différents personnages, ne se contentant pas d'une dialectique manichéenne entre les gentils du bas et les méchants du haut.
La série Snowpiercer n'hésite pas non plus à mettre en scène quelques scènes d'action sanglantes et spectaculaires, qui rappellent brièvement le style graphique du film de Bong Joon-ho. Trop brièvement, sans aucun doute, car tout cela est délayé en dix heures. L'histoire est étirée au maximum pour les besoins de la télévision (une saison 2 est déjà commandée) et on perd forcément le rythme et l'esprit fou insufflé par le réalisateur de Parasite, cette énergie électrique qui animait l'adaptation de 2014, dans laquelle Captain America (Chris Evans) se frayait un chemin vers la locomotive à coup de machette ! Et puis même si Jennifer Connely fait parfaitement le job dans son rôle d'hôtesse du train, plus humaine et nuancée, il manque quand même le grain de folie de Tilda Swinton.
Restent les décors, qui présentent les mêmes défauts que le long-métrage : aussi jolis et variés soient-ils, ils ne procurent jamais au spectateur le sentiment d'exiguïté qui semble pourtant indissociable d'un voyage sans fin à bord d'un train. Jamais on ne ressent vraiment l'enfermement. Et ce tunnel sous les rames (doté d'un véhicule permettant de justifier que les personnages puissent se déplacer physiquement à travers les 1001 wagons du Snowpiercer long d'une vingtaine de kilomètres) n'aide pas à rendre la mise en scène très lisible. Le décorum - comme les effets spéciaux du monde extérieur, franchement douteux - laisse à désirer et le décorum, c'est l'essence du Transperceneige.
Snowpiercer - saison 1 en 10 épisodes - à voir sur Netflix à partir du lundi 25 mai.
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