-
Jeune femme de chambre belle et au caractère trempé, Célestine accepte un poste en province chez les Lanlaire. Elle doit faire face à l’animosité de Madame, à la lubricité de Monsieur, au mutisme de Joseph, le mystérieux homme à tout faire de la propriété, et à l’émotivité de Marianne, la gironde cuisinière. Comme il observait la chute de l’Ancien Régime à travers les yeux d’une dame de compagnie de Marie-Antoinette dans "Les Adieux à la reine", Benoît Jacquot autopsie les maux de la société française au tournant du XXe siècle en suivant au plus près une soubrette rebelle. Personnage romanesque en diable, que trois flash-back nuancent formidablement, elle symbolise à la fois la cristallisation des rapports de classe, la soumission à l’ordre patriarcal et le désir d’émancipation grandissant des femmes. Les deux films sont intimement liés, jusque dans le choix de l’étonnante Léa Seydoux pour incarner des héroïnes jumelles dont les parcours sont parfaitement croisés; Sidonie prend de plein fouet la fin d’un monde et de ses illusions quand Célestine semble avoir son destin en main – le dénouement montre en fait le contraire et la fatalité du déterminisme social. Source inépuisable d’interprétations, le roman d’Octave Mirbeau avait inspiré un marivaudage charmant à Jean Renoir et un drame bourgeois aux accents surréalistes à Luis Buñuel. Benoît Jacquot en tire de son côté une adaptation réaliste assez scrupuleuse qui met paradoxalement en relief la modernité du texte dont la résonance actuelle ne manque pas de troubler : antisémitisme véhément (l’action se passe en pleine affaire Dreyfus), pression sur les salariés, discrimination sexuelle… Le constat est implacablement dressé par Jacquot, grand cinéaste classique, renoirien pour ainsi dire, qui s’appuie, en dehors de Léa Seydoux et de Vincent Lindon, sur des seconds rôles bluffants pour asseoir la cohérence du projet. Clotilde Mollet, qui joue la patronne psychorigide, Hervé Pierre, son mari libidineux, Patrick d’Assumçao, le voisin anarchiste, Dominique Reymond, l’impitoyable placeuse, ne sont pas les plus connus de nos comédiens, pourtant, ils tiennent la baraque face aux stars.
Toutes les critiques de Journal d'une femme de chambre
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
-
Benoit Jacquot signe l'une de ses mises en scène les plus acérées, les plus précises dans son exécution, les plus pertinentes dans son apport narratif, une vision proche du texte d'origine et cependant l'un de ses films les plus personnels.
-
C’est tout la modernité d’un film qui n’est jamais plus efficace que dans ses soubresauts narratifs. Et si le final est trop abrupt, prenant le spectateur par surprise, la limpidité de sa mise en scène et la force de son propos infusent lentement.
-
Entre le raffinement des intérieurs et les sentiments malsains qui s’y développent comme dans une serre, Benoît Jacquot décrit avec cruauté l’implacable loi de la domination.
-
Si "Journal d’une femme de chambre" convainc par son style sec et abrupt et son montage serré, c’est surtout parce qu’il constitue un documentaire sur Léa Seydoux comédienne.
-
La mise en scène, élégante et vive, séduit par son humour, l’émotion et la détresse qu’elle distille. (...) Grâce à une écriture limpide où tout fait sens, Jacquot offre une lecture moderne de Mirbeau. Léa Seydoux porte le rôle avec brio.
-
"Une tragédie burlesque, aux confins de l'atrocité et de la farce", disait André Bazin de l'adaptation de Jean Renoir. Cela vaut aussi pour celle de Benoit Jacquot, dont la mise en scène élégante et classique dérive peu à peu vers un onirisme noir.
-
Dans "Journal d’une femme de chambre", film extraordinairement brutal, Benoît Jacquot invente sa propre manière de malmener les usages de la narration filmée. Il recourt à une énergie par rupture, étonnante et puissante ressource de cinéma.
-
Un beau film cinglant se rangeant clairement du côté des dominés. Un film à la sécheresse stylée, éclairé par Léa Seydoux.
-
Une exploration insistante (parce que forcément insatisfaite) du désir féminin, incarné ici par Léa Seydoux. Peut-être parce qu’il s’aventure à l’ombre de deux géants, Renoir et Buñuel, qui ont déjà adapté ce roman à l’écran, le réalisateur porte ici son élégance à un point d’incandescence.
-
L'écriture est intelligente, et Léa Seydoux éclatante de jeunesse et de sensibilité perdues
-
La comédienne emporte cette chronique en faisant passer un mélange de révolte et de soumission.
-
Un film servi par une superbe photographie et qui offre à Léa Seydoux un rôle tout en force de jeune sauvageonne.
-
Avec "Le Journal d’une femme de chambre", le réalisateur donne du roman d’Octave Mirbeau une adaptation de haute volée.
-
Benoît Jacquot filme sans la moindre complaisance et avec la plus grande modernité.
-
Benoît Jacquot, à la suite d’Octave Mirbeau, brise la non-linéarité du récit traditionnel et la matière picaresque de celui-ci fait du Journal un formidable réservoir scénaristique et à (re)configurations multiples.
-
On goûtera tout spécialement une direction d’acteurs enrichie par la confrontation d’acteurs de cinéma et de comédiens de théâtre, ces derniers davantage soucieux de diction que leurs jeunes partenaires.
-
Ce "Journal…" se lit comme une reprise des motifs déployés par les "Adieux à la reine" (2012) dans son climat fin de règne, mu par une sourde pulsion insurrectionnelle et un même principe filmique à hauteur de chignon, suivant un parti pris d’infiltration par la micro-histoire.
-
Le résultat convainc dans l’ensemble, avec sa sobre mais belle reconstitution historique (...) Toutefois, quelques flottements demeurent dans la narration.
-
Pas exempt de défauts et de fausses notes, "ce Journal d'une Femme de Chambre" vaut pour son réquisitoire glaçant contre la servitude des personnages qu'il décrit.
-
Le cinéaste Benoît Jacquot reste fidèle à la temporalité du récit, les années 1890-1900, mais lui insuffle une tension bien contemporaine, que cristallise le visage de la comédienne.
-
Pas facile pour Benoit Jacquot de passer après Jean Renoir et Luis Buñuel, sa version a d’ailleurs été très mal accueillie lors de la Berlinale. Pourtant son approche n’est pas si mal.