Toutes les critiques de Le Pressentiment

Les critiques de Première

  1. Première
    par Olivier de Bruyn

    Pour son premier long, Jean-Pierre Darroussin, acteur impeccable chez les autres et aujourd’hui chez lui-même, adapte Emmanuel Bove et signe un grand «petit film» sur le détachement. La révolution perso de Charles – notre ami, notre frère – ne renvoie à aucune idéologie. Juste à une autre attitude, singulière et cotonneuse, face à la grande comédie... Subtilement, Darroussin sculpte les paradoxes. S’attache au matériel, au concret (visages, gestes, rues de Paris…), pour mieux décrire un état de flottement intérieur qui froisse les frontières entre réel et songe. Le Pressentiment, son élégance ouatée et son humour délicieux, happe et séduit.

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Premier film intriguant d'un acteur singulier, Le Pressentiment déconcerte. Jean-Pierre Darroussin, devenu pour l'occasion acteur-réalisateur, incarne un héros absent, sans prise au monde, qui flotte avec délicatesse entre deux univers qui lui sont étrangers. Mystérieuse, cette adaptation d'un roman d'Emmanuel Bove publié en 1935 laisse libre cours à l'interprétation et se distingue par l'évocation drôle, colorée et sympathique de la vie d'un quartier populaire.
    - vos impressions ? discutez du film Le Pressentiment sur le forum cinéma« Il n'est pas nécessaire que tu sortes de ta maison. Reste à ta table et écoute. N'écoute même pas, attends seulement. N'attends même pas, sois absolument silencieux et seul. Le monde viendra s'offrir à toi pour que tu le démasques, il ne peut rien faire autrement, extasié, il se tordra devant toi ». Franz Kafka, Méditations sur le péché, la souffrance et le vrai cheminCharles Benesteau paraît vouloir se mettre au banc de la société et s'est donc installé... en banlieue (ou presque). Il quitte les principes absurdes de son milieu bourgeois pour un quartier populaire dans lequel il désire se fondre avec discrétion. Courtois et poli malgré sa fatigue des convenances sociales, l'avocat désintéressé attire vite l'attention de son nouveau voisinage. Ne pas créer d'interférence, tel semble être pourtant le credo de ce héros lunaire qui tente d'écrire un roman. Il y a comme une certaine parenté entre lui et le personnage qu'incarnait Jean-Pierre Darroussin dans Mes meilleurs copains (Jean-Marie Poiré, 1989), pour lequel «il n'y a pas mort d'homme ». Ce drôle de Charles, par sa capacité à rester impassible, comme absent, quand les autres s'agitent vainement, agit en révélateur des contradictions et stupidités de ses interlocuteurs. Naturellement, il fait surgir l'absurde autour de lui par son refus de prendre position, de s'impliquer.Ce héros avant tout tourné vers l'intérieur n'est pas facile à mettre en scène. Il ne veut rien, seulement être tranquille. Dans une tentative d'effacement permanent, Darroussin traduit avec succès cette solitude et cette introspection. Il occupe un espace dont il semble vouloir disparaître pour laisser la place à qui la veut : ses voisins, sa famille, ou cette petite fille qu'il accepte d'aider. Ainsi, se dresse un portrait en creux d'un homme à la recherche d'une façon d'exister non conditionnée par son environnement. Plutôt réussie, cette intériorité implique, dans le traitement du récit, un rythme lent, des silences, qui pourraient nuire à l'intérêt. Heureusement, le réalisateur s'intéresse aussi aux satellites qui tournent autour de son héros.La bourgeoisie en prend pour son grade à travers quelques scènes un peu convenues mais assez drôles. Les voisins de l'immeuble, eux, sont traités avec plus de sympathie mais frôlent aussi la caricature. Il sont passionnés et animés d'une verve certaine : on le sent, la vie est de ce côté là. La peinture de ces personnages attachants, caractérisés par un langage « typé », chatoyant et réaliste à la fois, rappelle l'atmosphère colorée des films de Robert Guédiguian (La ville est tranquille,Marie-Jo et ses deux amours, Mon père est ingénieur...). Pour autant, ici, les pauvres ne sont pas mieux que les riches. Observées avec un mélange de respect et de défiance, les manières de Charles suscitent l'intérêt alors que ses motivations semblent suspectes. Le véritable sujet du film apparaît alors : de la difficulté à trouver sa place parmi les hommes et à conquérir sa liberté individuelle.Le Pressentiment est donc un film « intériorisé » qui suscite en permanence de nombreuses questions, à l'image de celles que se pose son héros : l'arnaque initiale, qu'il subit avec plaisir, se renouvelle-t-elle à plus grande échelle ? L'étrange raccord au milieu du récit, quand Charles s'endort en lisant, signifie-t-il que le héros rêve le film ? Est-il malade ? S'agit-il d'un homme qui dort ou, au contraire, d'un homme qui se réveille d'une longue léthargie, d'un oubli à lui-même ? Et la liberté, ce serait juste savoir que l'on va mourir ? De cette absence de certitudes émane un charme mystérieux qui peut laisser un goût d'inachevé et une légère frustration. Perdu entre deux mondes, Jean-Pierre Darroussin, lunaire, distrait et distant, circule avec délicatesse, comme s'il voulait éviter la moindre interaction avec ces univers auxquels il n'appartient pas. Sans rien déranger, il passe comme une ombre. Il flotte un peu et nous avec lui...Le Pressentiment
    Réalisé par Jean-Pierre Darroussin
    Avec Jean-Pierre Darroussin, Didier Bezace, Valérie Stroh
    France, 2006 - 100 mn
    Sortie en France : 4 octobre 2006
    [Illustrations : © Bac Films]
    Sur Flu :
    - La bande annonce du Pressentiment sur Écrans
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