- Fluctuat
Ce film offre à la critique cinématographique le pire comme le meilleur. Le pire car il donne l'occasion de déverser toute la bile accumulée à la vision d'images emphatiques et stupides, le meilleur, car il défie le discours. En effet, une fois les chefs d'accusation dressés, que dire d'autre que : « voilà un film crispant » ?
Pour justifier de la crispation, pléthore de détails et de grandes lignes de mise en scène s'offrent à nous. L'interprétation de tel acteur est déclamatoire - d'ailleurs seul Benoît Magimel s'en sort bien - le scénario est plat et les dialogues sont pauvres. Les coiffures sponsorisées par M. Bigoudi sont toutes des crinières de lion laquées à la perfection, les décors et les costumes n'en finissent plus de paraître. Bref, la plupart du budget de cette grosse production à la française est partie en feux d'artifice et cela se voit... Car il s'agit bien de cela, un cinéma approximatif, qui pense pouvoir achalander le spectateur avec les grandes heures de l'Histoire de France montrée sous tous ses fards et en technicolor.Les documentaristes ont été évidemment sollicités, spectacle et costumes sont des répliques rigoureusement exactes de l'original. Les spectateurs soucieux de rigorisme se féliciteront au passage de voir là une belle adaptation d'un roman à succès. M. Truffaut, qu'ont-ils donc fait du cinéma ?Le Roi Danse, c'est Louis XIV. Le Roi Danse exécute des ballets à la cour de France et y brille pour son agilité. Le Roi Danse porte un costume de soleil et exécute des pirouettes au milieu des planètes... Le Roi Danse, grand défenseur des Arts, mécène galant et baroque, se prête avec ornementation et grâce aux grandes fêtes orchestrées par Lully... Mais des le roi danse répétés à toutes les sauces, et autres "trop près les planètes" complètement ridicules, il nous en servis des tonnes et les réparties grandiloquentes dans des gestes pompeux achèvent de nous désespérer. Pourquoi faire un film sur ce sujet, en quoi Louis XIV nous concerne-t-il aujourd'hui ? Là est peut-être la seule question intéressante suscitée par le film.Un de nos rois les plus prestigieux brille internationalement grâce au développement artistique qu'il favorise au sein de sa cour. Certes. Mais quand reviendra-t-on de cet amour compassé pour Louis XIV et toute sa clique de dentelle ? Car rien d'autre n'est visible que l'Histoire. Molière dans Le Malade imaginaire se donne en spectacle et meurt sur scène en remerciant presque Mouchkine. La Reine mère est une sorcière dévote qui complote contre le roi avec l'appui de cousins avides de pouvoir... Les trames et les luttes de pouvoirs sont évoquées, les grands travaux XVIIèmistes sont évoqués, Versailles, les Académies, les grands auteurs français... Mais les hommes dans tout cela, me direz-vous ? De l'humain il n'y en a point. Tous les personnages sont réduits à des marionnettes qui s'agitent avec bien peu de grâce et sans l'ombre d'une motivation. Les danses sont des exécutions de pas qui n'ont pas de raisons d'être, et en oublient la sensualité des gentilshommes qui connaissaient la gigue comme l'art de l'escrime... Ainsi on en est réduit à déplorer de constater que la " qualité française " a manifestement encore de beaux jours devant elle. Et si pour se venger on allait voir The Grinch ?Le Roi Danse
De Gérard Corbiau
Avec Benoît Magimel, Boris Terral, Tchéky Karyo
Belgique / France, 2000, 1h48.