Une flamboyante histoire d’amour sur fond de construction de la célèbre Tour, où le duo Romain Duris- Emma Mackey fait des étincelles.
On vous a raconté dans notre numéro 517 la folle aventure de ce film. Une épopée de plus de 20 ans entre Hollywood et Paris, avant enfin donc de voir le jour sous l’impulsion de la productrice Vanessa Van Zuylen, fin 2021. Mais si en 24 ans, beaucoup de scénaristes se sont succédé et le récit a forcément évolué, sa colonne vertébrale, imaginée par Caroline Bongrand, est, elle, restée, intacte. Un mélange entre des faits historiques tels qu’ils se sont réellement déroulés et la part d’invention que permet le cinéma, sans pour autant trahir l’histoire.
Voici notre critique d'Eiffel, que nous republions à l'occasion de sa diffusion ce soir, sur M6. Notez que le nouveau film de son réalisateur, Martin Bourboulon, est en ce moment au cinéma : c'est lui qui a adapté Les Trois Mousquetaires : d'Artagnan et Milady.
Emma Mackey, l'atout Eiffel : "Mon envie de cinéma français était de plus en plus forte"Nous sommes à la fin des années 1880. Gustave Eiffel est alors au sommet de sa carrière et le gouvernement français lui propose de créer un monument spectaculaire pour l’Exposition Universelle de 1889. Mais, à la surprise générale, il décline, tout à une autre obsession : son projet de métro pour la capitale. Sauf que ce refus va se voir battu en brèche le jour où il recroise par hasard son amour de jeunesse dont il avait été brutalement éloigné. Eiffel va dès lors bel et bien se lancer dans ce projet fou d’une Tour à la hauteur inédite sans que la raison de ce revirement n’ait jusque là ici été clairement documenté, laissant toute la place à la fiction pour se déployer.
Eiffel renoue avec un genre à part entière du cinéma français, réduit à la portion congrue depuis plus de 25 ans. Le film historique en costumes populaire. Un cinéma qui coûte cher – ce qui refroidit les ardeurs des investisseurs – et qui, mal maîtrisé, peut donner lieu à des œuvres ampoulées où le souci d’une reconstitution parfaite écrase tout le reste. Eiffel échappe à cet écueil ou, plus précisément, se construit contre lui. Ce qu’il propose n’est pas de raconter la construction de la Tour Eiffel mais de faire de cette épopée le moteur de ce qui constitue le cœur de son récit. Une histoire d’amour flamboyante. Une histoire d’amour en apparence impossible pour cause de différence de classe sociale mais qui va pousser l’un et l’autre de ses protagonistes à sans cesse repousser les obstacles. Le romanesque est aux commandes de cet Eiffel, la vivacité, le refus d’être écrasé par le côté film d’époque aussi. Derrière la caméra, Martin Bourboulon (Papa ou maman) acquiert ici une nouvelle dimension. Jamais étouffée par la pression qu’un tel budget vous met sur les épaules, sa mise en scène alterne champ- contre champs apaisés et moments virevoltants caméra à l’épaule pour raconter cet Eiffel, parfois KO debout comme lors des retrouvailles impromptues avec Adrienne ou quand il de pouvoir la reconquérir à celui qui est devenu son compagnon, et parfois survolté quand justement la passion lui donne des ailes. Bourboulon ne filme pas une époque mais des personnages qui transcendent cette époque et dont la modernité se retrouve dans son travail sur les costumes et sa direction d’acteurs.
Dans les rôles principaux, Romain Duris et Emma Mackey font des étincelles. Leur alchimie donne le la du récit. Le premier est aussi convaincant dans les scènes intimes que dans les moments où en leader, il doit haranguer ses hommes qui pensent le projet de cette Tour voué à l’échec. La seconde, pour son premier grand rôle au cinéma, semble échappée d’un roman de Jane Austen. Et par- delà son charisme renversant, elle emporte tout sur son passage par son énergie, sa subtilité émotionnelle et son appétit à jouer avec les autres. Car Eiffel est aussi un film d’acteurs où, à l’exception de Pierre Delandonchamps (parfait en rival d’Eiffel, refusant de jeter l’éponge), les seconds rôles (excellents Alexandre Steiger, Armande Boulanger, Andranic Manet…) ne conduisent pas – comme souvent dans ce type de films – à un défilé de visages connus et trop reconnaissables. La preuve que cet Eiffel croit d’abord et avant tout à la puissance de l’histoire qu’il raconte et à la manière de la raconter. Un pari réussi.
Bande-annonce :
Exclu - Romain Duris : Comment je suis devenu Eiffel
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