Le héros de la série Mentalist, métamorphosé, surprend et séduit dans ce polar ultra- stylisé en noir et blanc situé dans la communauté aborigène australienne, à découvrir sur FilmoTV
Crâne rasé, lunettes cerclées de fer au bout du nez, des tatouages sur les bras. On met quelques secondes à reconnaître le comédien qui interprète le rôle central de ce polar, découvert lors du dernier festival de Berlin. Mais c’est pourtant bel et bien Simon Baker qui incarne ce flic accro à l’héroïne déambulant comme une âme perdue dans une petite ville de l’arrière- pays australien pour enquêter sur le meurtre non élucidé, vingt ans plus tôt, d’une jeune aborigène. Cette métamorphose pourrait paraître poseuse, signifiant de manière assez lourde une volonté de se repositionner, de changer d’emploi et d’image après sept saisons de Mentalist qui lui colle toujours à la peau, huit ans après l’arrêt de la série, faute de rôles marquants depuis sur le petit et le grand écran.
Mais ce serait lui faire un procès injuste et injustifié. D’abord parce que Baker tient son rôle sans chercher à épater à tout prix la galerie. Nulle trace ici de scène spectaculaire. Une intériorité permanente domine son interprétation, épousant le ton et le rythme du film dans son entièreté. Limbo fait partie de ces polars où l’enquête en elle- même compte plus que sa résolution (qu’on nous révèle d’ailleurs très tôt). Aborigène par sa mère, l’australien Ivan Sen (dont les précédents longs métrages sont inédits dans les salles françaises), signe à travers cette enquête un portrait en creux de cette communauté aborigène, écrasée par des années d’ostracisme et de racisme, aux cicatrices qui ne se referment pas avec le temps. Et il le fait par une forme visuelle envoûtante, à mille lieux de tout réalisme, dominée par un noir et blanc ultra- travaillé, traduisant le côté dévitalisé du quotidien de ces Aborigènes dont personne n’écoute la voix, les souffrances et les récriminations, à l’exception de ce flic, tout aussi en dehors du monde qu’eux. Et là encore, à l’image de l’interprétation de Baker, cette forme n’a rien d’artificielle. Elle épouse le rythme d’un récit dominé par une langueur assumée, une manière de faire traîner les plans, de laisser la place au silence, traduisant le rythme singulier avec lequel son personnage central vit ces situations. Ce parti pris en laissera forcément certains sur le côté et nul doute que le grand écran aurait été plus approprié pour découvrir un film de cette ambition formelle- là. Mais même sur un écran de télé ou d’ordinateur, le voyage proposé par Ivan Sen mérite le détour.
De Ivan Sen. Avec Simon Baker, Rob Collins, Natasha Wanganeen… Durée : 1h48. Disponible sur Filmo TV
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