GALERIE
L'Atelier Distribution

Aux confins du cinéma de Loach, Kaurismäki et des frères Coen, un film aussi singulier qu’irrésistible.

Il y a des sujets tellement tragiques et inscrits dans la réalité du moment que les cinéastes peinent à les transcender, tout à leur obsession de faire passer leur message humaniste. La question des réfugiés fuyant leurs pays en guerre est l’un de ceux- là. Jérémie Elkaïm a su s’en emparer avec Ils sont vivants en passant par le prisme de la passion sensuelle entre un clandestin iranien et la veuve d’un flic FN. Et, pour son deuxième long (le premier, Pikadero, est inédit en France), Ben Sharrock réussit, lui aussi, à trouver un ton singulier pour aborder ce même thème et des drames (in)humains qu’elle engendre. Celui de la loufoquerie ubuesque. L’action de Limbo se situe sur une île de pêcheurs en Ecosse où une poignée de demandeurs d’asile attendent de connaître leur sort. Parmi eux, Omar, un jeune musicien syrien hanté par la figure de son frère qui, lui, a choisi de rester au pays combattre. Un personnage taiseux à travers lequel on vit ce récit où Sharrock a donc décidé de mettre en avant l’absurdité des situations. A commencer par ces classes d’"éveil culturel" où on enseigne à ces demandeurs d’asile, interdits, la galanterie comme la meilleure manière de décrocher un entretien pour un emploi. Limbo mêle brillamment le cinéma social à la Loach et l’humour pince sans- rire poétique de Kaurismäki, avec des personnages qu’on pourrait croire échappés d’un film des Coen. Et c’est par ce cocktail aussi inattendu que détonnant que Sharrock fait entendre sa propre voix. Aussi à l’aise dans les rires que dans les larmes. Dans le réalisme que dans l’onirisme.

De Ben Sharrock Avec Sidse Babett Knudsen, Alir El- Masry, Kenneth Collard... Durée 1h44. Sortie le 4 mai 2022