Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
MICKEY 17 ★★★★☆
De Bong Joon- ho
L’essentiel
Imaginez un instant que la mort ne soit plus qu'un simple pépin bureaucratique, un contretemps réglé en quelques heures d'impression 3D. C'est les prémices excitantes de Mickey 17. Sur la planète Niflheim, les "expendables" comme Mickey sont le dernier maillon d'une chaîne d'exploitation parfaitement huilée : des éclaireurs humains envoyés en reconnaissance, réimprimés après chaque mort pour continuer leur mission. Ce début pourrait n'être qu'un exercice de style dystopique supplémentaire, mais entre les mains de Bong, cela devient une fable politique d'une férocité assez jouissive. Robert Pattinson, impressionnant de précision, incarne donc 18 versions différentes du personnage. C’est lui qui par un simple haussement de sourcil ou un changement de ton fait basculer le film de genre en genre. Mais si l’acteur semble ainsi aux commandes, nous sommes bien chez l’auteur de Parasite. Et comme dans Snowpiercer, Bong utilise le cadre de la science-fiction pour déployer une critique sociale littéralement hardcore. Mickey 17 frappe par son équilibre entre l'horreur existentielle et l'humour noir. Et se révèle moins un film sur le futur qu'une allégorie du présent, où la vie humaine est devenue une variable d'ajustement dans l'équation du profit.
Pierre Lunn
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A BEAUCOUP AIME
LEGEND OF THE CONDOR HEROES : THE GALLANTS ★★★★☆
De Tsui Hark
Nous sommes en Chine, il y a 1000 ans, au coeur d’un conflit entre deux clans, ceux de la Steppe et ceux de la Plaine. Né chez les Jin mais élevé chez les Mongols, notre héros Huo Jing tente de vivre son histoire d’amour avec Huang Rong, gardienne d’un traité d’arts martiaux sacré dont veut s’emparer le maléfique Venin de l’Ouest… Condor Heroes carbure donc à la romance, à l’amour, à l’attirance et à la répulsion entre ses forces contraires. Le film fait défiler les lieux, les batailles et les années, frôlant parfois le crash à force de faire des loopings en rase-motte. Mais quelle ampleur de dingue, quelle maîtrise de la part de Tsui Hark, même dans ses moments les plus casse-gueule ! Et tout comme dans la splendide trilogie Detective Dee, la malice apparente et le pur plaisir provoqué par les scènes de baston n’occultent jamais l’horizon politique du film, où les héros bataillent pour éviter une grande guerre et refusent la vaine gloire provoquée par les massacres. Alors, Legends of the Condor Heroes : The Gallants, le blockbuster de l’année ? Allons donc, on n’est qu’en mars.
Sylvestre Picard
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A AIME
DANS LA CUISINE DES NGUYEN ★★★☆☆
De Stéphane Ly- Cuong
Yvonne Nguyen est d’origine vietnamienne et rêve d’une carrière dans la comédie musicale. Sauf que sa mère préférait qu’elle se décide à reprendre son restaurant en banlieue parisienne… S’inspirant de son double héritage culturel, le Français Stéphane Ly-Cuong (dont les parents sont Vietnamiens) adopte un régime d’images pop et acidulé qui rappelle parfois celui des Reines du drame, mais appliqué ici à une affaire de quête d’identité… et de bouffe. L’un ne va pas sans l’autre pour le réalisateur, qui utilise la cuisine comme lieu de réconciliation et de retour aux racines. Pas de colère ici, ou presque : le film carbure à la douceur et l’optimisme, avec ses numéros musicaux enjoués (ah oui : c’est aussi une comédie musicale, qui jouit des clichés du genre autant qu’elle les détourne) et ses séquences burlesques. Prenez garde, la chanson des nems vous trottera quelques heures dans la tête.
Boris Malaine
Lire la critique en intégralitéBLACK DOG ★★★☆☆
De Guan Hu
On est en 2008, dans une ville quasi-fantôme près du désert de Gobi, vidée d’une partie de ses habitants mais envahie par les chiens, dont certains ont peut-être la rage. Le film commence quand Lang, ancien rocker, rentre chez lui après avoir purgé une peine de prison pour un mystérieux homicide. Il ne va pas tarder à lier son destin à celui d’un lévrier errant. Le vent souffle, la caméra capte les paysages désertiques à coups de panoramiques hypnotiques, l’atmosphère navigue entre polar, western et post-apo. Guan Hu (La Brigade des 800) emprunte à son parrain Jia Zhang- ke (qui joue dans le film) l’envie de mêler le très grand au très petit, les vies d’une poignée de personnages quasi immobiles au mouvement tellurique de la Chine à l’arrière-plan – un pays en train de se propulser dans le futur, mais oubliant au passage quelques-uns de ses habitants sur le bas côté. Les thèmes sont classiques, mais la puissance plastique impressionne – encore plus quand, à la faveur de deux morceaux de Pink Floyd, le film décolle en volutes lyriques et quasi cosmiques.
Frédéric Foubert
Lire la critique en intégralitéLE SYSTEME VICTORIA ★★★☆☆
De Sylvain Desclous
Cette adaptation du roman d’Eric Reinhardt met en scène une histoire d’amour aussi imprévue que passionnelle qui se noue entre le directeur de travaux d’une Tour à la défense et la DRH d’une grande multinationale, séductrice, manipulatrice dont le goût pour une liberté sans entraves va faire vriller cet homme sans histoire, idéaliste fasciné par son exacte opposée, prête à tout pour parvenir à ses fins. Damien Bonnard et Jeanne Balibar brillent par leur manière toute en finesse d’incarner ce choc des contraires et à travers cette liaison aussi dangereuse que fatale, Desclous, fin observateur de la société française et d’une certaine lutte des classes qui ne s’est jamais totalement éteinte (de Vendeur à De grandes espérances), signe une parfaite parabole du capitalisme et du libéralisme qui, poussées à leur extrême, balaient tout sur leur passage, y compris les esprits les plus purs et en apparence incorruptibles.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéPEACHES GOES BANANAS ★★★☆☆
De Marie Losier
Elle s’appelle Peaches. Une chanteuse de rock canadienne devenue dans les années 2000 une icône queer et féministe grâce à ses titres ouvertement sexués et ses concerts où elle dynamite tous les tabous avec un sens aiguisé de la provoc’. Björk l’avait invitée à faire sa première partie, on peut l’entendre dans la BO de Lost in translation… Et récemment, pas moins de deux documentaires lui ont été consacrés : Teaches of peaches, présenté à la Berlinale 2024 et ce Peaches Goes Bananas signée Marie Losier (Cassandro the exotic !). Habitée par son sujet, la réalisatrice reconstitue à merveille en images l’exaltation des concerts, le côté no- limit de cette artiste hors normes. Mais elle réussit à les marier avec des moments « unplugged », tendres, enveloppant de Peaches avec sa sœur malade, ses parents… Un dialogue d’une extrême fluidité entre des situations aux extrêmes les unes des autres qui raconte cette bête de scène qui n’a jamais lâché l’affaire au plus près et au plus juste.
Thierry Cheze
LES FILLES DU NIL ★★★☆☆
De Nada Riyadh et Ayman el Amir
Fruit de quatre ans passés en compagnie d’un groupe de jeunes filles égyptiennes qui pratiquent le théâtre de rue, ce documentaire - récompensé par L’Oeil d’or au dernier Festival de Cannes – frappe d’emblée par l’éclat des situations filmées. Dans leur village situé à 200 kilomètres du Caire, les héroïnes enchaînent les performances spontanées pour dénoncer au cœur de l’espace public les injustices qu’elles subissent et la caméra observe les spectaculaires interactions avec les passants captivés ou indignés par cette expression féministe. Mais le film se distingue aussi par l’immersion dans les familles de ces jeunes filles où apparaît une vraie diversité de configurations. Derrière une apparente répétition esthétique affleure ainsi une profonde mélancolie. Car si les héroïnes délaissent peu à peu le théâtre, reste la puissance inaltérable de ces moments vécus à éprouver ensemble les vertus émancipatrices de l’art.
Damien Leblanc
BRUJERIA- SORCELLERIE ★★★☆☆
De Christopher Murray
Pour son troisième long, Christopher Murray mêle historicité et magie en se basant sur un procès ayant eu lieu en 1880 au Chili, sur l’île de Chiloé. Produit par Pablo Larraín, Brujería - Sorcellerie suit le personnage de Rosa Raín (admirablement interprétée par Valentina Véliz), une jeune fille en quête de vengeance après que son père, issu de la communauté autochtone des Huilliche, se soit fait cruellement assassiné par des colons allemands. Sa rencontre avec une mystérieuse organisation d’indigènes lui permet de prendre connaissance à la fois de sa véritable identité - elle rompt avec le christianisme de ses maîtres - et de pouvoirs insoupçonnés. La sorcellerie devient alors un acte politique, permettant de rendre justice face à l'oppression et au colonialisme. Une idée prometteuse globalement bien exécutée, malgré quelques longueurs et un manque de punch. Les beaux plans teintés de gris ne suffisent pas toujours à nous transporter.
Lisa Gateau
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME
LE SECRET DE KHEOPS ★★☆☆☆
De Barbara Schulz
Merveilleuse comédienne de théâtre, Barbara Schulz a eu trop rarement accès à des rôles dignes de son talent au cinéma. En passant pour la première fois derrière la caméra, elle a cependant choisi de ne pas s’écrire un personnage sur mesure et de se concentrer sur son travail de réalisatrice. Au programme : un film d’aventures sur les traces du trésor du pharaon Khéops dans les pas d’un archéologue, sa fille et son petit- fils. On retrouve chez son interprète principale féminine, Julia Piaton, l’atout majeur de ce film, cette pétillance qui sont la marque de fabrique de Barbara Schulz. Mais à trop se faire pédagogique sur la mythologie égyptienne, le récit tend à perdre ce rythme indispensable au genre. Un sentiment exacerbé par le one man show de Luchini (son nième imitation de Johnny !) qui ravira ses inconditionnels mais donne au film des airs de déjà (beaucoup trop) vu qui en sape l’énergie comme la générosité.
Thierry Cheze
ANNA ★★☆☆☆
De Marco Aventa
Une jeune fermière sarde tente de préserver la petite exploitation familiale. Jusqu’au jour où d’imposants travaux lui empoisonnent la vie. Pot de terre contre pot de fer. D’un côté la fougue d’une super-héroïne garante d’un mode de vie séculaire, de l’autre les rêves expansionnistes de promoteurs immobiliers. Marco Amenta (La Sicilienne) présente la vision doloriste d’une histoire qui se voudrait vivante et irréprochable mais apparaît, malheureusement, bien trop fabriquée et moralisatrice.
Thomas Baurez
Et aussi
Eject, de Cayes CasasTiburce
In the lost lands, de Paul W.S. Anderson
Les reprises
Moi, Christiane F, 13 ans, droguée, prostituée… de Uli Edel
Porcherie, de Pier Paolo Pasolini
Le Voyage d’Amélie… Amelie rennt, de Tobias Wiesmann
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