Ne ratez pas ce soir à 22h30 sur Arte le passionnant documentaire consacré par le réalisateur de Tout nous sépare à un cinéaste dont les œuvres l’accompagnent depuis ses 13 ans. Rencontre avec son auteur
PREMIERE: Qu’est ce qui vous a donné envie de consacrer un documentaire à André Téchiné ?
THIERRY KLIFA : C’est un metteur en scène qui a eu une importance essentielle dans ma vie. J’ai découvert Hôtel des Amériques au cinéma à 13 ans. Et sa vision a causé chez moi la même déflagration que celle quasi concomitante de La Femme d’à côté de François Truffaut. Avec Hôtel des Amériques, je découvrais qu’on pouvait vivre des histoires aussi fortes, aussi passionnelles, aussi romanesques. Que la vie pouvait donc aussi être ça.
Comment avez-vous construit ce documentaire ?
Beaucoup à l’instinct. Je savais que je ne voulais pas d’un documentaire dogmatique mais à l’inverse d’un film très personnel, un portrait profondément subjectif. Ce qui explique que je favorise des films par rapport à d’autres, que je sois allé interroger certains acteurs et pas d’autres… Le fil rouge de ce documentaire a été l’amour que j’ai pour André Et je poursuivais deux buts à travers lui. Donner envie aux gens de revoir ses films. Et parler de l’André que je connais - on se voit au moins une fois par semaine depuis des années - et le montrer bien moins taciturne et surtout bien plus drôle qu’on peut l’imaginer. Pour autant, André Téchiné, cinéaste insoumis est tout sauf un documentaire- hommage. Car André se situe profondément dans la vie. Il tourne quasiment un film par an, sans cynisme par rapport à ce métier, avec ce regard toujours aussi singulier sur le monde. Je souhaitais mettre l’accent sur cet amour éperdu du cinéma auquel il a dévolu sa vie. De la même manière que j’ai compris que la plus belle histoire de ma vie à moi serait le cinéma. Mais il ne fallait pas pour autant tomber dans le piège de l’hagiographie et bien le montrer dans toutes ses contradictions
Trouvez- vous André Téchiné reconnu à la hauteur de son mérite ?
Spontanément je répondrai oui car lui comme ses comédiens ont reçu énormément de prix aux César comme à Cannes. Mais, en même temps, dire qu’il n’est pas reconnu aujourd’hui à la hauteur de son importance dans le cinéma français ne me paraît pas totalement inexact. Et il en est en partie responsable. André a toujours peur qu’on le sanctuarise : il est toujours en mouvement, travaillant à chaque fois avec de jeunes auteurs différents, de Cédric Anger à Céline Sciamma en passant par Léa Mysius pour L’Adieu à la nuit (en salles le 25 avril). Il ne court pas après les honneurs, il prend peu la parole. Il milite à travers ses films où il se raconte presqu’à livre ouvert. D’ailleurs, quand on m’a proposé de faire ce documentaire, je pensais qu’il dirait non. Mais il a eu cette réponse qui m’a profondément touché : « tu sais bien que je déteste ça mais si ça peut nous permettre de passer un peu plus de temps ensemble, faisons- le »
Qu’est ce qui vous a le plus surpris au fil de la réalisation de ce documentaire ?
Comprendre à quel point il avait marqué les gens avec lesquels il avait travaillé. Voir cette trace qu’il a laissé chez Catherine Deneuve bien sûr mais aussi Emmanuelle Béart, Sandrine Kiberlain ou encore Daniel Auteuil qui explique dans le documentaire qu’il n’a plus été le même homme après avoir rencontré André, qu’il n’a plus regardé les choses de la même manière. Mais j’ai aussi été surpris qu’il s’abandonne totalement avec autant de franchise et d’auto- dérision.
Commentaires