Les producteurs du film d'Artus racontent sa création et son succès, vus de l'intérieur.
Le succès d'Un p'tit truc en plus est aussi observé à l'international, révèle Variety dans un long papier revenant sur le succès du film d'Artus, mais surtout sur toutes les étapes de sa fabrication et de sa promotion. Pour décortiquer ainsi cette comédie bien pensée sur le handicap, le site américain a interviewé Pierre Forette et Thierry Wong, deux des producteurs du film via la société Cine Nomine. A l'heure où le long métrage vient de franchir la barre des 7 millions d'entrées en France, voici un best-of de leurs révélations.
Jusqu'où ira Un p'tit truc en plus ? C'est déjà le 5e plus gros succès français depuis 15 ansFaire confiance à Artus
Le duo raconte que l'humoriste leur a soumis l'idée d'Un p'tit truc en plus lors de la fabrication de Si on chantait, une autre comédie signée Fabrice Maruca, sortie en 2021. Artus y tenait un rôle important et "il est venu nous voir un jour sur le tournage pour nous dire qu'il avait ce projet en tête pour lequel il aurait aimé passer à la réalisation, détaillent-ils. Il parlait déjà d'une comédie avec des acteurs porteurs de différents handicaps. Il y avait pensé après son sketch dédié aux athlètes paralympiques, qu'il avait présenté au public dans le cadre d'un festival de standup à Montreux."
Forette explique alors qu'ils ont regardé le sketch en question, qu'ils ont trouvé "très drôle et en même temps très direct, on le prenait en plein dans la figure. Vous savez qu'après ce spectacle, Artus a été contacté par Handicap International et les organisateurs des jeux paralympiques ? Il a aussi reçu des tonnes de messages de personnes atteinte de divers handicaps qui lui disaient : 'Merci de nous traiter comme tout le monde.' Ce sketch a été compris comme un geste pour plus d'inclusivité."
Caster les comédiens avant d'écrire les dialogues
Artus s'est entouré de deux co-auteurs pour Un p'tit truc en plus, Clément Marchant et Milan Mauger, mais il leur a demandé de faire une pause au cours de l'écriture, une fois que le plus gros de l'histoire était posée sur le papier, afin de caster ses comédiens principaux porteurs de handicaps. C'est comme ça qu'il a rencontré Boris Pitoëff, Marie Colin, Sofian Ribes, Théophile Leroy, Mayane Sarah El Baze...
"Artus voulait absolument choisir des personnalités, des gens qui n'étaient pas acteurs de professions mais qui pourraient l'inspirer pour écrire des dialogues 'vrais', se souvient Forette. On a donc organisé une audition durant trois jours, sur Paris, à partir d'annonces sur les réseaux sociaux. On a vu des gens de toute la France pour trouver nos onze personnages qui devaient représenter toute une palette de personnalités. Artus tenait à intégrer leur propre humour dans leurs personnages."
L'intéressé a par exemple précisé que le fan de Dalida l'est dans la vie, tout comme le jeune qui adore se déguiser passe réellement son temps à changer de tenues.
Trouver les bons soutiens
"C'est un premier film, une pure comédie remplie de personnes handicapées qui ne sont pas des acteurs professionnels... ce n'était pas si évident sur le papier, reconnait Forette. Mais nos partenaires télévisuels, M6 et Canal +, nous ont tout de suite soutenus. Ils partageaient notre enthousiasme sur ce projet. Par contre, ça a été plus difficile de trouver un distributeur."
Des propos qui confirment ce qu'Artus confiait dans Première, juste avant la sortie d'Un p'tit truc en plus :
Un p'tit truc en plus : une comédie hilarante… sur le handicap [critique]"Ça fait très longtemps que je fais des vannes sur ce sujet là. Donc quand j’ai commencé à penser un film mettant en scènes ces acteurs un peu atypiques, je ne me voyais pas le filer à quelqu’un d’autre. En tout cas, je m’en sentais la légitimité. Et quand on se lance dans un premier film, on se dit… que ce sera peut- être le dernier ! Donc j’ai essayé d’y mettre tout ce qui me correspondait et me plaisait. Et je trouvais fou qu’aussi peu de gens aient eu envie d’aller sur ce terrain-là avant car les personnes en situation de handicap ont un tel imaginaire que je savais que ce qu’ils allaient me donner devant une caméra allait être fou.
Ça a en effet été compliqué. Ce qui m’a le plus surpris, c’est combien on m'a dit ouvertement les choses : que les gens n’avaient pas envie de voir des handicapés au cinéma ! Ces interlocuteurs- là n’essayaient même pas d’enrober tout cela derrière de fausses excuses. On voulait bien financer mon premier film mais pas avec cette population-là ! Mais c’est un mal pour un bien car, au final, j’ai pu compter sur les meilleurs partenaires possibles qui m’ont offert les moyens de faire ce film et en s’investissant à fond. Car Un p’tit truc en plus n’aurait jamais pu voir le jour sans une équipe soudée."
L'acteur, co-scénariste et réalisateur ne citait personne, et ses producteurs ne disent pas non plus quels sont les entreprises qui ont refusé de soutenir Un p'tit truc en plus. Ils donnent seulement un exemple : SND. D'ordinaire, ce distributeur est associé aux sorties cinéma de M6, mais "ils ne pouvaient pas prendre ce film en particulier car ils venaient de s'engager sur Kaamelott." Le long métrage à gros budget d'Alexandre Astier, lui aussi pré-acheté par M6, était une priorité pour SND.
Le duo explique ensuite avoir approché Philippe Godeau, connu pour avoir produit et distribué des films forts traitant du handicap, tels que Le Huitième jour (1996) ou Presque (2021) : "Godeau était intéressé par notre film, mais sa société était en pleine restructuration (…), il nous a dit qu'il ne pouvait pas nous offrir de garantie minimum." Ils ont tout de même décidé de faire équipe, tout en s'associant à d'autres partenaires. "Ce fut un long parcours, avoue Wong. En tout, on a signé avec neuf groupes pour pouvoir monter le film." Ils citent notamment Cineaxe, Entourage, Cinecap, les fonds dédiés au cinéma de BNP Paribas, Same Player (la société de Vincent Roger qui vient de produire Sous la Seine chez Netflix), Echo Studio et Cabo. Wong et Forette ont également investi de leur propre argent pour être certains que le film se ferait, précise Variety.
Promo spectaculaire
Une fois Un p'tit truc en plus tourné, monté et daté au 1er mai 2024, l'équipe de Pan Distribution a pu se reposer sur Artus, qui était en pleine tournée de son spectacle de janvier à avril. Et qui a lors de chaque représentation parlé de sa première réalisation.
"On n'aurait pas pu rêver d'une meilleure promotion, le salue Forette. Il a montré la bande-annonce à tous ses spectateurs, à chaque fois qu'il montait sur scène, et il leur a aussi présenté un QR Code permettant de réserver des places pour ses avant-premières. C'est devenu viral instantanément. Toutes les séances qu'on a organisées avant la sortie d'Un p'tit truc en plus ont cartonné : on a vendu plus de 27 000 tickets."
Sans compter qu'Artus a multiplié les courtes vidéos avec toute son équipe, pour montrer au public les coulisses de cette promo exceptionnelle à bord du "tourbus".
Donner envie de revenir au cinéma
Après son excellent démarrage lors du jour férié du 1er mai, le film a cartonné partout en France, battant record sur record. Il a gagné du public au fil de l'augmentation de son nombre d'écrans, franchissant systématiquement la barre du million d'entrées par semaine durant six d'affilée. Rapidement devenu le plus gros succès de 2024 en France (devant Dune 2), le bouche à oreilles s'est amplifié, Artus a multiplié les plateaux de télévision et les radios pour le défendre, et il a aussi pu monter les marches en compagnie de tous ses comédiens. Au bout d'un mois, ce succès de province a déteint sur Paris et sa banlieue, passant également en tête du top là-bas.
Ce dont Forette et Wong sont le plus fier, c'est qu'Un p'tit truc en plus ait su ramener en salles des spectateurs qui ne s'y rendaient plus depuis longtemps. Parmi ses records, la comédie a d'ailleurs atteint des scores pré-Covid très élevés, et elle a été vue aussi bien par des jeunes que des personnes âgées, des femmes comme des hommes, des familles...
"Ça nous a réchauffé le cœur de lire les avis de tous ces gens à la sortie du cinéma, qui disaient qu'ils ne s'étaient pas rendus en salles depuis longtemps mais que ce film leur avait donné envie de revenir", confient-il au média américain.
Et maintenant, un succès international ?
Rien qu'avec ses entrées françaises, Un p'tit truc en plus comptabilise 64 millions de dollars de recettes. Il figure ainsi dans le top 10 des plus gros succès du moment depuis 7 semaines. Face au phénomène, des distributeurs étrangers commencent à s'y intéresser.
Other Angle se charge des droits d'A Little Something Extra à l'étranger, et ils sont vendus en Belgique (Vertigo), en Suisse (Praesens) et au Canada (AZ Films), pays où le film est déjà sorti. L'Allemagne (via Square One), l'Italie (Eagle), le Portugal (Films4U) vont suivre, mais aussi l'Australie (Moving Story), Israël (Shoval), la Russie (Volga)... "Other Angle est actuellement en discussions avancées avec les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Amérique Latine, l'Europe de l'Est, le Japon, la Corée, le Moyen Orient et l'Afrique", précise aussi Variety.
Other Angle a été choisi pour gérer les droits du film à l'étranger après la collaboration fructueuse autour du premier film de Clovis Cornillac, l'un des acteurs principaux d'Un p'tit truc en plus. Lorsqu'il a sorti Un peu, beaucoup, aveuglément, en 2015, c'est déjà cette société qui s'était associée à Cine Nomine, et c'est aussi via cette collaboration qu'avaient été validés deux projets de remakes, en Espagne et en Corée du Sud. Des deals de ce genres seront-ils signés autour d'Un p'tit truc en plus ? C'est ce que tease Variety dans le titre de l'article, mais pour l'instant, rien de concret n'a été signé.
Rappelons tout de même qu'en France, le prochain succès que la comédie d'Artus doit battre au box-office est La Famille Bélier, qui avait attiré 7,4 millions de spectateurs en salles il y a dix ans. Après ce joli carton, le film d'Eric Lartigau, traitant également de handicap, avait fait l'objet d'un remake américain, Coda, qui a remporté l'Oscar du meilleur film en 2022.
Les marches du festival de Cannes auront un p’tit truc en plus en 2025
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