Le nouveau teaser promet une œuvre aussi "méta" que Resurrections.
Les références de Barbie sont décidément surprenantes : Greta Gerwig a d'abord présenté sa poupée jouée par Margot Robbie dans une vidéo parodiant 2001, L'Odyssée de l'espace, le film de SF culte et cérébral de Stanley Kubrick. Puis un deuxième teaser révélait qu'elle allait quitter Barbieland en compagnie de Ken (Ryan Gosling) pour découvrir le monde réel. La troisième vidéo, mise en ligne hier par la Warner Bros, en dit un peu plus sur ce concept, tout en citant ouvertement une œuvre précédente du studio : Matrix.
Barbie (Margot Robbie) s'affiche avec tous ses Ken : Ryan Gosling, Scott Evans, Ncuti Gatwa, Simu Liu...Il faut bien sûr remplacer les teintes vertes par du rose et des paillettes, mais plusieurs idées de ce trailer font directement référence à l'oeuvre des Wachowski : Barbie vit dans un monde "parfait ", puis commence à se poser des questions (sur la mort, une référence au fameux échange entre Nicole Kidman et Reese Witherspoon sur le sens de la vie ?!). Ce chamboulement la pousse à découvrir "le monde réel". Oui, comme Neo (Keenu Reeves) découvrant que l'univers qu'il a toujours connu et auquel il s'était habitué, à défaut de le trouver "parfait", est en fait contrôlé par des machines, et qu'il "vit" dans une simulation informatique.
Comme dans le film des Wachowski sorti au cinéma en 1999, ce changement est représenté par un choix, non pas entre une pilule rouge ou bleue, mais entre deux chaussures, puisqu'après tout, Barbie est la reine des fashionista ! Elle devra trancher entre un escarpin à talons, qui représente le luxe et la beauté de sa vie passée à Barbieland, ou une sandale Birkenstock, certes moche mais confortable, et symbole de nouveauté. Qui devrait lui aller mieux, maintenant qu'elle a les pieds plats !
On entrevoit ensuite au cours de cette même vidéo une compagnie influente dirigée par Will Ferrell. Qui représente clairement Mattel, la boîte fabriquant la poupée à succès depuis 1959. On voit le logo durant un instant, lorsque l'héroïne tente d'échapper à des employés de la société, ce qui place d'emblée la marque comme "le méchant" de l'histoire.
Cela vous rappelle quelque chose ? Matrix Resurrections a déjà fait ce type d'association, mais avec une autre firme, la Warner Bros, fin 2021. Soit le studio qui produisait ce blockbuster. Une manière de s'en moquer, donc, et de remettre carrément en question l'existence même de ce film faisant suite à une trilogie à succès.
Avec ce quatrième opus, Lana Wachowski réglait ses comptes : avec ses "haters", par exemple, avec les "trolls" qui n'avaient rien compris à Matrix ou, pire, ceux qui avaient détourné ses messages et symboles de leur sens originel. Elle allumait au passage ouvertement ses patrons, accusant la Warner d'avoir fait cette suite pour de mauvaises raisons. Apprenant que Matrix 4 aurait été tourné de toutes façons avec ou sans elle, la scénariste et réalisatrice avait accepté de revenir... pour frapper un grand coup !
Matrix Resurrections : un doigt d’honneur surprenant et réjouissant à l’industrie [critique]Sur le papier, on pourrait penser que Barbie est aussi une production lancée pour des raisons purement financières : attirer en masse au cinéma des spectateurs qui ont grandi avec les jouets, créer au passage de nouveaux fans, qui achèteront à leur tour des poupées, et le tout au détriment d'une création originale. Sauf que depuis le début de sa promo, Greta Gerwig et son équipe semblent au contraire très conscients des attentes du public (ou plutôt DES publics). Ainsi que des idées reçues qui circulent autour de ce projet. Dans chaque vidéo sont glissés un message féministe et des surprises par rapport à la conception que chacun peut se faire d'un "film Barbie". Il est par exemple ici écrit noir sur blanc -enfin rose et blanc sur noir, pour être exact- que ce projet parlera aussi bien à ceux qui adorent Barbie qu'à ceux qui la détestent. On peut difficilement faire plus intrigant !
Cette manière de montrer d'emblée aux spectateurs que personne n'est dupe du "produit" qui leur est proposé rappelle aussi le traitement intelligent de La Grande aventure Lego par rapport aux jeux de construction populaires qui étaient à l'origine du film d'animation. C'était déjà une production de la Warner Bros, d'ailleurs, avec Will Ferrell dans un rôle de "méchant" du monde réel, tiens, tiens.
Mais revenons à notre poupée. Acclamée pour Lady Bird ou Les Filles du Docteur March, la réalisatrice a surpris tout le monde en quittant le cinéma indé pour tourner ce film à gros budget. Dans lequel elle peut mettre en avant un casting diversifié à souhait : il y aura plusieurs incarnations de Barbie et de Ken à l'écran, incarnés par des acteurs de différentes origines et orientations sexuelles. Il y aura aussi une Barbie transgenre, interprétée par Hari Nef. Une évolution qui a également touché la gamme des poupées, en 2022, avec l'arrivée d'une Barbie inspirée par l'actrice d'Orange is the New Black, Laverne Cox. Cela fait une nouvelle fois écho au parcours des Wachowski, qui ont démarré leur saga Matrix en tant qu'hommes avant de transitionner, chacune à leur rythme. Si Lilly est partie vers d'autres projets, le dernier Matrix était ainsi un blockbuster réalisé par une femme, qui assumait pleinement ce statut. Elle rigolait d'ailleurs de la manière dont son oeuvre a pu être perçue comme "une allégorie de la transidentité", mais la revendiquait en même temps via son casting composé d'artistes de tous les genres.
Resurrections était aussi un film sur l'amour, qui attirait Neo et Trinity (Carrie-Anne Moss) comme des aimants dans toutes les versions de la Matrice. En développant cette thématique, Lana Wachowski laissait aussi entendre que l'élu de la saga n'était peut-être pas celui qu'on croit... Au vu des premières images de Barbie, il pourrait en être de même entre l'héroïne et son Ken principal, joué par Ryan Gosling. Elle est présentée comme un modèle dans tout les domaines, qui est tout pour lui ("This Barbie is Everything", lit-on sur les affiches officielles, traduit en VF avec un sens différent : "Cette Barbie peut tout faire"). En revanche, lui, "c'est juste Ken". Une relation déséquilibrée qui devrait permettre de dénoncer avec humour les travers du patriarcat, mais pas seulement : on comprend sur ces premières images que Ken n'est rien sans Barbie et qu'il sera prêt à la suivre jusqu'au bout dans sa démarche. Là aussi par amour, non ? Et guidé par l'admiration qu'il a pour elle ? Ces deux sentiments étaient particulièrement présents entre Neo et Trinity dans le final de la saga, et cela rendait le retour de l'équipe originelle parfaitement touchant.
Il faudra patienter jusqu'au 19 juillet prochain pour voir si Barbie est effectivement pensé comme un Matrix "girly", un film à la fois mainstream, et à messages, qui propose plusieurs couches de vernis réflexions sous sa promesse initiale de divertissement.
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