Le CNC estime que le troisième Terrifier, sommet de gore délirant, glorifie la violence. C’est vrai ?
La sortie évènement du 9 octobre 2024 ? Le foudroyant L’Histoire de Souleymane avec la révélation Abou Sangare ? Le Robot sauvage de Chris Sanders ? The Apprentice avec Sebastian Stan en jeune Donald Trump ? Oui, bien sûr, chacun est un évènement à sa manière : mais il y a aussi le cas Terrifier 3. Le nouveau volet de la franchise d’horreur ultra gore de Damien Leone est le deuxième à sortir en salles en France. Et le voilà orné d’une jolie interdiction aux moins de 18 ans. Une première pour un film d’horreur depuis Saw 3 (2006). La commission de classification du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) justifie ainsi sa décision :
"La commission propose une mesure d'interdiction aux mineurs de moins de 18 ans pour ce film violent et gore mais qui a la particularité de multiplier les scènes sadiques d'une extrême violence avec la volonté d'associer le spectateur à une forme de glorification de la violence présentée sous un jour favorable de nature à troubler gravement la sensibilité du public avec néanmoins un propos narratif qui l'apparente à un film d'horreur à l'esthétique gore justifiant l'interdiction aux moins de 18 ans."
Oh, ne remettons pas en doute un seul instant que Terrifier 3 est effectivement un film "violent et gore" dont les "scènes sadiques" constituent son produit d'appel. Mais les méfaits d’Art le Clown et de sa comparse la zombie Victoria existent-ils vraiment pour "associer le spectateur à une forme de glorification de la violence présentée sous un jour favorable" ? Comme on l'explique dans notre critique du film, l’horreur de Terrifier est véritablement répugnante. Elle reste relativement réduite par rapport à la durée globale du film, et s’inscrit en fin de compte dans une esthétique burlesque assumée, totalement irréelle, très proche en somme de celle de Braindead de Peter Jackson (interdit aux moins de 16 ans, mais c’était en 1993). Bien qu'elle mette en scène parfois des enfants (super scène de Père Noël dans un centre commercial), la violence n’est pas moins répugnante que celle de Terrifier 2, interdit aux moins de 16 ans en décembre 2022, déjà violent envers des enfants, et "qui enchaîne les scènes sanglantes, insistant sur les éviscérations, énucléations, tortures, de façon gratuite et pour le seul plaisir de provoquer le dégoût", selon la commission de l’époque.
ESC, le distributeur du film, déplore dans un communiqué un choix "inattendu, qui va gravement nuire à la sortie du film". ESC explique que Terrifier 3 est un "film d’auteur" qui s’inscrit "dans la plus pure tradition du genre dit slasher, à la violence dite « grand-guignolesque » et irréaliste."
Terrifier 3, c’est vraiment la folie à deux [critique]"Le film ne se prend jamais au sérieux, et nous savons que les spectateurs auront toute la distance, toute la maturité nécessaires pour comprendre et appréhender cette démarche artistique."
Il faut savoir que les membres de la commission de classification (une centaine de personnes) sont nommés pour une période de trois ans, renouvelable deux fois maximum -autrement dit, Terrifier 2 et Terrifier 3 n’ont pas été classés par les mêmes personnes. Outre les différences de point de vue entre chaque membre, et les nécessaires absences ou présences en fonction de leurs emplois du temps, la commission est divisée en quatre "collèges", qui n’ont pas les mêmes objectifs ni la même vision d’un film : il y a les administrations (ministères de l'intérieur, de la justice, de l'éducation nationale, de la famille et de la jeunesse), les professionnels du cinéma (distributeurs, exploitants producteurs), les experts (médecins, Union nationale des associations familiales) et le jeune public.
Les pros du cinéma ne représentent donc qu’un quart de cette commission censée juger l’impact d’un film à un moment donné, dans un instant donné, dans une France donnée. Justement, tout est question de contexte : si Terrifier 3 glorifiait la violence et le sadisme, ça se verrait. Tel quel, le film -son contexte- est semblable à tant de slashers (Halloween, Scream) dont on ne questionne pas (ou plus) son impact sociétal.
En 2021, Pleasure de Ninja Thyberg avait été interdit aux moins de 18 ans, mais le distributeur avait fait appel et le film (racontant le parcours d’une apprentie actrice porno à Los Angeles) était requalifié avec une interdiction aux moins de 16 ans. Le distributeur ESC ne compte pas faire appel de la décision de la commission concernant Terrifier 3.
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