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La « Grande Liberté » du titre, c’est celle dont ont été privés les homosexuels en Allemagne à cause du Paragraphe 175 du Code Civil, décrété en 1872 et seulement abrogé en 1969. Si on sait que les homosexuels ont été persécutés par le régime nazi, on ignore souvent que ceux d’entre eux qui survécurent aux camps de concentration ne recouvrèrent pas la liberté après-guerre, mais furent transférés en prison afin de finir de purger leur peine légale. Un phénomène cauchemardesque raconté dans Great Freedom à travers le parcours de Hans Hoffmann, un gay qui ne sort de prison que pour mieux y revenir, montré à trois moments de son histoire, en 1945, 1957 et 1969. Le réalisateur Sebastian Meise échappe à l’horizon du film à thèse grâce à sa façon très élégante de glisser d’une époque à l’autre, d’une peine à l’autre – construction sophistiquée qui lui permet de décrire 25 ans d’histoire de la répression de l’homosexualité en Allemagne comme une promenade absurde dans un labyrinthe temporel, sans début ni fin. Le monde extérieur reste hors-champ dans ce film de prison mutique, méticuleux, qui prend, presque paradoxalement, le parti d’une certaine douceur. Celle-ci s’incarne avant tout dans le visage romantique et les manières félines de Franz Rogowski, sorte de cousin allemand de Joaquin Phoenix, déjà croisé chez Christian Petzold (Transit, Ondine) ou Terrence Malick (Une vie cachée). Beau film au classicisme tranquille, Great Freedom a remporté le prix du jury Un Certain Regard au dernier festival de Cannes et représente l’Autriche dans la course aux Oscars.