Première
par Thierry Chèze
Cinq jours. C’est le temps qui reste à Noura (Hend Sabri, magistrale) pour enfin être autorisée à vivre au grand jour son amour avec son amant. Cinq jours avant que son divorce avec Jamel, le père de ses trois enfants, en prison depuis un petit moment, ne soit officialisé. Une peccadille au regard du temps passé à se cacher, puisqu’en Tunisie l’adultère peut encore être puni d’une peine de prison de cinq ans. Mais voilà que juste avant le jour J, Jamel est libéré et vient reprendre sa place dans sa famille, avant de découvrir le pot aux roses. Désormais, Noura rêve devient un film sous tension. Une course contre la montre pour garder le secret avant que ce fameux divorce ne soit prononcé. À l’image de nombre de ses confrères, Hinde Boujemaa aurait pu se contenter de faire un de ces films sujets où seul compte le message que l’on délivre. Le message, son portrait acéré d’une société tunisienne actuelle où l’arbitraire, la corruption et un patriarcat violent empoisonnent le quotidien, passe bel et bien. Mais la cinéaste ne s’en contente pas. Elle va au bout des situations et de ses personnages, ne les réduit jamais à des caricatures, les méchants d’un côté, les bons de l’autre. En fait, Noura rêve est un film sur le mensonge. Celui d’une femme pour sauver sa peau, de son amant pour se débarrasser de son rival et d’un mari amoureux de sa femme et incapable de la dénoncer. Le tout symbolisé par un incroyable plan-séquence d’interrogatoire de police de 12 minutes confrontant les trois protagonistes dans une atmosphère de suspense à couper au couteau. Du grand art.