Brad Pitt bluffé par Jean-Jacques Annaud sur Sept ans au Tibet : ses confessions dans Première

En novembre 1997, la star était en couverture de notre magazine. Flashback.

Sept ans au Tibet suit Brad Pitt en alpiniste autrichien, qui, en pleine Seconde Guerre mondiale, se reconstruit au Tibet. Sa rencontre avec le 14e Dalaï-Lama va bouleverser sa vie, mais l'invasion du pays par l'armée chinoise l'obligera à fuir le pays... Le film est à revoir ce soir, sur France 5.

Fin 1997, Jean-Jacques Annaud, le réalisateur de L'Ours et du Nom de la Rose, mélangeait comme à son habitude images magnifiques et aventure palpitante avec ce film. Sa fidélité à la véritable histoire de Heinrich Harrer a depuis été remise en question, et le projet a divisé les critiques, mais ce fut un gros succès à sa sortie, et il fut aussi défendu par le Dalaï-Lama en personne. En France, il a par exemple attiré plus de 2,7 millions de spectateurs dans les salles obscures.

En revanche, cette oeuvre riche causa à son réalisateur, à son acteur principal et à son partenaire de jeu David Thewlis une interdiction de séjour en Chine. L'invasion du Tibet en 1950 par les autorités chinoises est racontée dans le film, et elle a entraîné des révoltes violentes tout au long des décennies suivantes. Notamment en 1993, soit une poignée d'années seulement avant la sortie de Sept ans au Tibet. Cette interdiction fut levée en 2013 pour le cinéaste, qui put tourner en Mongolie Le Dernier loup, tiré du livre de Jiang Rong. Brad Pitt a de nouveau été accepté dans le pays un an plus tard en compagnie d'Angelina Jolie.

Si sur la couverture de Première de novembre 1997, Brad Pitt apparaissait torse-nu et mettait en avant son "sex-appeal", dans la longue interview accompagnant cette une, il parlait  avec sérieux et sans détour de politique ou de ses choix de carrière. Il expliquait d'ailleurs à Christian Jauberty avoir choisi ce film en connaissance de cause : "Le gouvernement chinois aurait préféré que nous ne fassions pas le film. L'invasion du Tibet est une tâche indélébile sur l'histoire de la Chine. Le mieux serait que les Chinois eux-mêmes se posent la question de savoir si ce qu'ils font est juste." Il expliquait aussi pour quelles raisons il avait d'emblée fait confiance à Jean-Jacques Annaud en le découvrant si passionné par le cinéma. Voici quelques extraits de cet entretien intéressant, justement consacrés au metteur en scène, avant de (re)voir Sept ans au Tibet.

A propos de sa rencontre avec Jean-Jacques Annaud, avec qui il aurait dû avoir initialement un rendez-vous traditionnel de 45 minutes :

"Ça a commencé comme un petit-déjeuner pour enchaîner sur le déjeuner et se prolonger dans l'après-midi autour d'un café. J'étais intrigué par ce type, la passion qui l'anime. De la vraie passion ! Ce n'est pas un mot que j'aime employer à la légère. Il a tout de suite mis l'accent sur le voyage intérieur du personnage. Et j'ai su que nous allions bien nous entendre. Bien sûr (que Brad connaissait son travail, ndlr). Il ne suit que ses propres règles, choisit ses propres sujets et les raconte avec un ton très personnel qui ne rentre dans aucun format hollywoodien préétabli. Il se soucie du réalisme sans être maniaque. Et puis, il s'intéresse aux autres cultures et il les respecte. (...) Il irait au bout du monde pour faire un plan s'il pense que c'est ce qu'il y a de mieux pour son film, quitte à emmener l'autre bout du monde avec lui."

A propos du tournage en Argentine :

"J'ai souvent vu des réalisateurs perdre leur calme, engueuler, humilier ceux qui travaillent avec eux. Annaud reste cool, n'élève jamais la voix, quoi qu'il arrive. Et ce ne sont pas les impondérables qui manquent sur un film de cette ampleur, avec dix-huit nationalités réunies dans un bled d'Argentine qu'il avait choisi pour représenter le Tibet ! Et si, au milieu de tout ce chaos, un figurant venait lui poser une question, Annaud prenait le temps de lui répondre et de lui témoigner du respect."

A propos de son entraînement d'escalade avec David Thewlis en Autriche et en Italie, dans les Dolomites :

"J'étais terrifié, mais c'était bien. Pour notre première randonnée, qui était difficile, Annaud avait amené une caméra vidéo. Il fallait le voir, excité comme un fou, courir partout avec sa crinière d'argent pour nous filmer. Ca valait le coup d'oeil..."

A propos de sa manière de choisir ses rôles : 

"Je veux raconter des histoires qui me touchent personnellement. Je ne peux pas parler de ce que je ne connais pas et je ne veux pas perdre mon temps à parler de ce qui ne m'intéresse pas. (...) Il faut que l'histoire signifie quelque chose pour moi pour que je décide d'y investir six mois de ma vie. (...) J'ai compris qu'on ne pouvait pas s'amuser sans arrêt. Mais mon travail m'offre régulièrement des instants de bonheur parfait que j'ai appris à rechercher et à apprécier."