Porté par de bonnes chansons et un bon duo d’actrices, le dernier live action de Disney n'est pas la catastrophe annoncée.
Par quoi on commence ? Par les Nains remplacés par des "créatures magiques" en numérique, par le clash IRL entre Gal Gadot et Rachel Zegler, par le casting de cette dernière en Blanche Neige, par les premiers visuels qui laissaient craindre le pire… Non, rarement un Disney avait été à ce point éviscéré et (mal) attendu avant même sa sortie. Mais, comme Marie-Madeleine le chante dans Jesus-Christ Superstar (une comédie musicale de 1970 qui a pris très cher à sa sortie de la part des chrétiens conservateurs) : "could we start again, please ?" Essayons un petit peu de start again et d’expliquer que le Blanche Neige de 2025 est une réussite.
On sait à quoi s’en tenir sur les remakes en live action du studio : de gros hits en salle, qui tentent de refaire tomber la foudre au même endroit que les originaux en restant servilement écrasés à leur musique et à leurs codes visuels (il y a parfois une réussite, genre Le Livre de la jungle de 2016). De fait, Blanche-neige reprend certains visuels du classique de 1937 (la robe), assume la fantaisie de l’original (la horde d’animaux en numérique, la forêt hantée) et actualise gentiment le film à son époque sans trop de douleur : le prince charmant est ainsi remplacé par un brigand vivant dans la forêt à la tête d’une bande de hors-la-loi, "ex-acteurs menacés par la politique de la Reine" (sic), faisant peut-être écho, soyons fous, aux grèves de 2023 à Hollywood.

La principale bonne idée du nouveau Blanche Neige est d’avoir embauché le duo Justin Paul/Benj Pasek pour composer les nouvelles chansons du film : ce sont eux qui ont tricoté les tubes de La La Land et The Greatest Showman, et Blanche Neige est un bon exemple de leur savoir-faire. La chorégraphe de La La Land Mandy Moore est également au générique. Pas de génie à l’œuvre ici, mais du bon boulot de musical comme on aime : le prologue chanté, qui enchaîne tout de suite avec le I want song de Blanche Neige, Waiting for a Wish, est un carton immédiat. Egalé ensuite par Gal Gadot avec le délicieux All is Fair qui est son versant sombre - le I want song de la méchante Reine, en somme, où elle nous assène que "all is fair when you wear the crown".
Entre ces deux want songs, la naïveté du souhait et l’affirmation de l’Imperium Disney, le film trouve sa dynamique. Entre la Blanche-neige incarnée avec fougue par Rachel Zegler et la Reine campée comme seule Gal Gadot semble savoir le faire - délicat jeu d’équilibriste entre le non-jeu et la transformation immédiate en meme Internet par la grâce du timing des pauses entre chacune de ses répliques. En tous cas, Gadot est une vraie méchante, sapée comme telle et comme Disney n’osait plus en faire depuis des années, une étrangère au Royaume "venue d’un pays lointain" (sic) dont la seule ambition est le pouvoir de la moula.

Oui, bien sûr, les Nains - pardon : les "créatures magiques" - pourront être un gros repoussoir pour le public, en tentant de reproduire le look des personnages de 1937 en numérique réaliste : ça risque de méchamment vieillir, un peu comme un Shrek en live action. Exemple avec le Miroir magique, copie servile de l’original, bien loin de la belle version en métal liquide du joli Blanche Neige et le chasseur de 2012.
Son propos de conte de fées naïf résonne drôlement avec le contexte : Joyeux passe son temps à demander à la cantonade si "on ne peut pas tous devenir amis", tandis que Blanche-neige affirme qu’on peut gouverner avec gentillesse, et que la richesse d’un royaume est avant tout celle du peuple qui le cultive. C’est le revers de sa dynamique de remake en live action, qui veut actualiser sans trop froisser, changer sans rien modifier, qui découle moins d’une vision d’auteur (la mise en scène de Marc Webb est gentiment transparente) que de la soumission à son époque.
Alors que Disney se couche devant Trump en adaptant peu à peu sa politique créative à l’époque (ou du moins comme le studio la perçoit), on se dit qu’on ne risque pas de revoir un remake en live action - voire un Disney tout court - de cette façon avant bien longtemps. Si jamais on pouvait recommencer depuis le début…
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