Entre lucidité et sensiblerie, le film de Marc Forster n'est pas aussi fort que le roman de l'Afghan Khaled Hosseini.
Début 2008, les rédactions de Première et de Fluctuat étaient un peu décontenancées par cette adaptation des Cerfs-volants de Kaboul, à revoir ce soir sur Arte, ainsi qu'en replay. Voici pourquoi.
En adaptant le roman de l'Afghan Khaled Hosseini (paru en 2003), Marc Forster (Neverland, Quantum of Solace) choisit de confronter sa caméra aux tragédies géopolitiques. Il en résulte un curieux mélange de lucidité et de sensiblerie.
Ces Cerfs-volants ont tout du projet déconcertant : le réalisateur américain de Neverland et de L'Incroyable destin de Harold Crick qui recrée le Kaboul des années 1970, avec des comédiens égyptiens, afghans et iraniens, des dialogues en dari (la langue afghane) et un tournage en Chine populaire. Le tout financé par Hollywood, on pouvait craindre les gros sabots.
Cette suspicion s'efface pourtant assez vite, face à l'humilité du regard porté sur la vie du Kaboul « de l'avant » (avant l'invasion des Soviétiques de 1979, avant le règne des Talibans et avant la guerre post-11 Septembre). Si on a tendance à associer cette période à un âge d'or pacifique, Marc Forster s'en empare comme d'un cadre neutre, plutôt apaisant, mais non dénué de douleurs secrètes. Aidé par de brillants comédiens, le récit prend le temps de capter un parfum original, celui d'une enfance que l'on sait menacée par de futures tragédies politiques.
Pourtant, le film n'évite pas entièrement les grosses ficelles. En mettant l'accent sur la culpabilité d'un acte d'enfance, la fiction tire parfois vers le mélodrame et court le risque d'un certain formatage. Mais cette sensation se double d'un réel effroi face à la sécheresse des séquences du « retour dans l'Afghanistan des Talibans ». La mise en scène, évitant les effets pompiers, dépeint froidement la violence du fanatisme et des injustices faites aux femmes (terrible scène de lapidation publique).
Marc Forster tire évidemment sur la corde sensible lorsque l'Amérique se présente soudain comme une idyllique terre d'accueil. Une musique sirupeuse fait irruption, aseptisant la conclusion. Mais cette exagération musicale constitue également une prise de distance ironique, comme si cette esthétique hollywoodienne avait conscience d'être too much. En montrant un trop grand ensoleillement des séquences californiennes, Les Cerfs-Volants de Kaboul attirent aussi l'attention sur la trop grande confidentialité qu'a longtemps fait régner le cinéma américain sur les drames du monde extérieur.
Commentaires