Comment avez-vous rencontré Lisandro Alonso ?Je l’ai rencontré en 2006, très rapidement, durant un festival de cinéma. Puis en 2012, parce que mon ami (il passe au français, ndlr) le poète Argentin Fabián Casas m’a dit qu’il travaillait sur un script pour Lisandro. Et Lisandro voulait m’en parler, donc on s’est retrouvés durant le tournage d’un autre film Argentin, Todos tenemos un plande Ana Piterbarg. Il m’a dit qu’il voulait faire un film qui se passe au XIXe siècle, où un Danois recherche sa fille qui s’est enfuie avec un jeune soldat argentin. Une sorte de western étrange. Ça m’a beaucoup excité !Pour vous, Jauja est donc un western ?Oui, je pense. Un western existentiel… Un western qui aurait été filmé par Tarkovski. C’est un film étrange, parce qu’il est autant danois qu’argentin. Peut-être même plus danois qu’argentin, dans son aspect visuel et en termes de sensibilité, notamment au niveau du sens de l’humour. Ce qui est une bonne chose ! (rires)Vous avez récemment déclaré qu’il y avait trop d’effets spéciaux dans Le Seigneur des Anneaux et The Hobbit : vous en avez fini avec les blockbusters digitalisés ?Il se trouve que je préfère les choses plus organiques, avec moins d’effets. Mais je n’ai pas exactement dit ça, j’ai parlé de mes goûts c’est vrai, mais j’ai aussi répété pour la millième fois des choses positives sur la trilogie. Elles ne figurent malheureusement pas dans l’article… Le succès de ce film de Peter Jackson a ouvert de nombreuses portes pour moi. Le tournage fut aussi une expérience extraordinaire en Nouvelle Zélande. Je le répète donc dans cette interview, en espérant que vous ne couperez pas ! (rires)En tant qu’acteur, vous préférez les films comme Jauja, plus « organiques » pour reprendre votre adjectif ?Oui, en général. Même si les effets spéciaux fonctionnent parfois de manière merveilleuse. Je pense par exemple à Avatar, qui est un film très intelligent, magnifiquement réalisé. Si Le Seigneur des Anneaux peut gagner 12 Oscars, je ne vois pas pourquoi Avatar ne remporterait pas celui du meilleur film ! Les jurys, aux Oscars comme dans les festivals, sont toujours subjectifs, et parfois c’est difficile de comprendre pourquoi certaines œuvres sont oubliées. Pourquoi David Cronenberg n’a-t-il jamais été nommé pour un Oscar ? Bizarre. Ce n’est pas logique, donc je ne prends pas les prix très au sérieux.Pour une star comme vous, tourner dans ce film à petit budget argentin, ça vous a procuré une sensation d’évasion ?Dans un blockbuster comme un petit film fauché, la relation avec la caméra est la même. Vous devez connaître vos lignes de dialogues, l’interaction entre le réalisateur et les acteurs ne change pas vraiment selon le budget. Cela dit, se retrouver avec une petite équipe au milieu de nulle part, dans des superbes paysages que je connaissais car j’y ai passé mon enfance, ça m’a rendu heureux. Et ce fut libérateur. D’autant que Lisandro est ouvert d’esprit, collaboratif, pas prétentieux. Monter à cheval en Patagonie, ça m’a rappelé quand j’étais gamin. En plus, je devais parler un Danois ancien, celui que parlait mon grand-père – un homme de campagne (en français, ndlr). C’était la première fois que je parlais danois dans un film. Donc à plusieurs niveaux, j’expérimentais un retour vers le passé, un peu comme mon personnage, pour lequel le temps linéaire devient confus. C’était très inhabituel… Un bon défi. (en français, ndlr) C’était un peu comme les campings que je faisais dans le coin avec ma famille, enfant : loin du téléphone, d’Internet.En tant que peintre, que vous inspire la façon dont le réalisateur Lisandro Alonso a compacté ces paysages de Patagonie en format presque carré ?Ça m’évoque les vieux westerns. C’est très beau, ça change des panoramiques.Vous avez appris des choses sur vous-même durant cette expérience inhabituelle et sauvage ?C’était intéressant de travailler avec un réalisateur qui fait des plans longs, sans avoir peur du calme et de la durée : devant sa caméra, tout ce que tu fais devient intéressant. C’est la première fois qu’il utilise des acteurs pros, mais dans le film, on ne ressemble pas à des acteurs, on ressemble juste à des personnes. Des personnes qui ont de vraies expériences. Dans ces conditions, c’est impossible de faire une erreur. C’est un sentiment bizarre en tant qu’acteur. Ce que tu fais sera dans le film. Ca donne de la confiance et de la tranquillité.Vous parlez peu dans le film, c’était un défi de donner au personnage sa consistance ?Non, vous savez Aragorn ne parlait pas beaucoup lui non plus. Dans History Of Violence, mon personnage s’exprimait beaucoup de manière non-verbale. J’aime ça. Mais j’aime aussi les rôles bavards, le changement me plait.Dans le film vous rencontrez un chien mystérieux. C’était comment, de travailler avec lui ?Le chien était incroyable. Son dresseur est un fan de l’équipe de foot de San Lorenzo, comme moi d’ailleurs.Eric VernayJauja de Lisandro Alonso avec Viggo Mortensen était présenté à Un Certain regardVoir aussiLa review de Jauja
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