La montée du fascisme dans l'Italie d'après Première Guerre Mondiale, racontée avec un style et une force incroyables par Joe Wright.
Au premier abord, c'est le genre de série qui risque de dérouter. Son esthétique hyper-stylisée, son ton théâtral, ses partis-pris de mise en scène... Il faut un léger temps d’adaptation, mais une fois plongé dans Mussolini: Son of the Century, difficile de sortir la tête de l'eau. Joe Wright nous garde en apnée dans une fascinante fresque aux airs de Commedia dell'arte terrifiante.

Adaptée du premier tome de la tétralogie d'Antonio Scurati, cette série en huit épisodes - diffusée en avant-première française à Séries Mania - ne se contente pas de retracer l’Histoire et de dérouler la fiche Wiki de Musso. Elle nous immerge dans une époque, un climat, une idéologie en gestation. Nous sommes en 1919, au sortir de la Première Guerre mondiale. L'Italie aussi compte ses gueules cassées. Et c'est sur leur colère, la frustration de la défaite et la peur du socialisme grimpant, que Benito Mussolini, petit patron de presse, va fonder les bases du fascisme, prenant corps rapidement au sein de la société de l'époque, jusqu'à la marche sur Rome en 1922. La série retrace l’ascension implacable du Duce, entre manipulations politiques, violences de rue et alliances de circonstances, pour mettre en lumière le basculement progressif de l’Italie vers le fascisme.
Mais pas question d'en faire une lecture froide et dogmatique. Joe Wright, excellent cinéaste anglais révélé par Orgueil et Préjugés en 2005 - et qui a quelque peu disparu des radars depuis son adaptation loupée de Cyrano avec Peter Dinklage - signe une oeuvre exceptionnellement passionnée, nourrie par une réalisation résolument audacieuse, étrange et assumée, conférant à l’ensemble une atmosphère hypnotique et oppressante. Sa mise en images - dans des décors à couper le souffle - offre une rencontre troublante avec Benito Mussolini lui-même.

Car l'autre atout de la série, c'est la performance phénoménale de Luca Marinelli (Prix d'interprétation à Venise pour Martin Eden) qui électrise l’écran. Son incarnation du Duce, fou furieux au charisme féroce, dépourvu de principes, capable de duper et manipuler son époque, est à la fois dérangeante et magnétique. La série parvient à restituer la complexité du personnage, tout en le ridiculisant avec malice, mais sans jamais verser dans la caricature. Terrifiant et insaisissable, ce Mussolini rappelle parfois la rage imprévisible de Joe Pesci dans Les Affranchis et la froideur impitoyable de Robert De Niro en Al Capone dans Les Incorruptibles. Il y aussi pas mal de Frank Underwood (Kevin Spacey dans House of cards) dans cette version du Duce en création.
Très souvent dans les premiers épisodes, Benito brise le quatrième mur, comme pour guider le spectateur dans les méandres de son esprit inquiétant. On entre dans la tête du futur leader de l'Italie, avec l'idée, évidemment, de comprendre. Comment ? Pourquoi ? Qu'est-ce qui a conduit l'Italie à basculer dans le fascisme, à céder au culte du dirigeant suprême ? Mussolini, Son of the Century, c'est l'œuvre parfaite pour alerter le présent en décortiquant le passé. Ou comment rendre le biopic essentiel.
Mussolini, Son of the Century, saison 1 en 8 épisodes. Pas encore de diffuseur en France.
Commentaires