Seule comme Maria avec Marilou Aussillloux au Théâtre de l'Athénée
Christophe Raynaud de Lage- Théâtre de l'Athénée

A l’affiche de La Pie voleuse qui rencontre un joli succès, elle brille dans le spectale Seule comme Maria autour de l’héroïne du Dernier Tango à Paris qu’elle a co- écrit et co- mis en scène

On l’avait découverte à la fin des années 2010 quand elle avait enchaîné les séries Jeux d’influence de Jean- Xavier de Lestrade et La Révolution entrecoupées de son premier rôle marquant sur grand écran dans Adieu les cons d’Albert Dupontel. Depuis, Marilou Aussilloux a fait un joli un bout de chemin. Sur grand écran, elle a rejoint cette année la famille Robert Guédiguian pour La Pie voleuse qui rencontre un joli succès en salles. Dans les semaines qui viennent, on la retrouvera en second rôles dans deux films emballants : L’amour c’est surcoté de Mourad Winter (le 23 avril) et Little Jaffna de Lawrence Valin (le 30 avril). Mais si cette année 2025 restera marquée d’une pierre blanche, c’est pour le spectacle qu’elle donne jusqu’à dimanche au Théâtre de l’Athénée, à Paris. Seule avec Maria, un seule en scène qu’elle a co- écrit et co- mis en scène avec Théo Askolovitch et où elle incarne une jeune comédienne en pleine conception d’un spectacle sur Maria Schneider. Une mise en abîme passionnante où les mots de l’héroïne du Dernier Tango résonnent avec les interrogations de celle qui doit l’interpréter. Une heure de théâtre de haut vol, à la fois ludique et profond et porté par une incarnation saisissante

A quand remonte ce désir de créer un spectacle autour de Maria Schneider ? Est- ce lié à ce que vous racontez dans la pièce, cette ressemblance physique avec elle qu’on vous avez fait remarquer ?

Marilou Aussiloux : Même s’il s’agit d’une fiction, il y a beaucoup de choses vraies dans cette pièce. A commencer par le fait que depuis très jeune, j’ai envie de faire quelque chose autour de Maria Schneider, j’ai écrit plusieurs textes… Et le déclic est en effet venu de ce jour où un homme m’a comparé à elle dans la rue et où en rentrant chez moi, alors que je ne la connaissais pas, j’ai tapé son nom sur Google et ne sont apparus que des sites pornos ! Forcément, je me suis alors demandé pourquoi on me comparait à elle. Et j’ai commencé à enquêter sur Maria. Elle est devenue une sorte d'obsession. J'ai regardé toute sa filmographie et à chaque film mon admiration grandissait pour elle. Je suis aussi partie à la recherche des rares d'interviews qu’elle a accordées où, à chaque fois, j'étais fascinée par sa force de caractère et sa puissance. On était alors avant Metoo. Il me manquait donc certaines clés pour comprendre d’où venait sa souffrance et ce qui s’était réellement passé sur le tournage du Dernier tango à Paris. Mais je me suis identifiée à elle. Elle est devenue une sorte de modèle de courage. J’ai même essayé d’un peu lui ressembler à mes débuts de comédienne. Et puis un jour, au fil de mes recherches, je suis tombée sur cette interview qu'elle a donnée pour un média américain et qui constituait pour moi la pièce manquante. Celle qui allait me permettre de ne pas parler à sa place et de faire un spectacle en lui laissant la parole. Une question de consentement encore plus essentielle pour quelqu’un dont on n’a jamais réellement entendu la souffrance au fil de ces années puisque, du fait de leur statut, seules les paroles de Brando et Bertolucci ont semblé faire foi. Dans Seule comme Maria, je donne à entendre par exemple le refus qu’elle exprimait - sans être entendue - d'être enfermée dans un statut de sex- symbol. Et comment elle va être renvoyée d’un tournage de Buñuel parce qu'elle refusait de n'être qu’une jeune femme désirable.

Seule comme Maria avec Marilou Aussillloux au Théâtre de l'Athénée
India Lange- Théâtre de l'Athénée

 

Comment se construit alors ce Seule comme Maria ?

Dès le départ, je voulais mêler mon point de vue de jeune comédienne – à commencer par ce que cela signifie d’avoir un grand rêve – et celui de Maria. Je me suis énormément inspirée de cette phrase qui dit les rêves sont parfois des costumes trop grands. Pour raconter à travers elle ce que j’ai vécu moi : monter de Narbonne à Paris avec ce désir de devenir comédienne et une idole comme Maria en tête. Puis j’ai commencé à en parler à Théo Askolovitch, mon co-metteur en scène, quand j'ai besoin d'un point de vue extérieur sur tout cela. Théo m’a permis d’avoir du recul, de me montrer où je bégayais ou je devais couper. Car on se connaît bien : je l’avais notamment aidé juste avant pour son spectacle à lui autour d’une autre histoire intime, sur le deuil de sa maman. Donc les coupes qu’il me proposait s’appuyaient sur ce qu’il connaît de moi. Ce n’était pas un regard trop extérieur

Et comment est venue cette idée d’un spectacle façon work in progress ?

Parce qu’on voulait être dans une ultra- sincérité ! Et donc jouer avec cette idée qu’on n'arrive pas à créer un spectacle sur Maria Schneider parce que je ne me sens pas à la hauteur et que je ne le serais peut- être jamais. Mais si Seule comme Maria s’ouvre sur ce sentiment d’échec, il raconte surtout la possibilité une deuxième chance à laquelle on a tous droit. Ce spectacle célèbre la tentative. Il y a évidemment une responsabilité à se lancer dans cette aventure mais je ne voulais surtout pas faire quelque chose de trop moralisateur ou didactique. D’ailleurs, je donne très peu mon avis. Je raconte juste mon parcours en miroir avec celui de Maria Schneider. Et je laisse libre les spectateurs de réagir à ses mots que j’ai fait entendre. C’est d’ailleurs différent chaque soir. Et surtout, je voulais vraiment terminer ce spectacle par de la lumière et de l’espoir. Par ces mots où elle dit que ce métier d’actrice peut être magnifique, qu’on peut y faire des rencontres magiques comme celle qu’elle a faite avec Antonioni. Car ça traduit ce que je pense. Malgré tout ce qui peut parfois se passer sur les plateaux ou dans les coulisses, j’ai un amour fou de mon métier.

Parmi vos rencontres marquantes à vous, il y a Robert Guédiguian…

L’une de mes plus belles expériences tellement il a été bienveillant. Et je vais avoir de la chance de le retrouver en septembre pour son nouveau film, toujours évidemment à Marseille !


C’est par casting qu’il vous a choisie pour La Pie voleuse ?

Pas vraiment. En fait, il m’avait vue dans Sous le Tapis de Camille Japy. Je crois qu’il avait écrit le rôle pour Anaïs Demoustier qui n’a pas pu le faire et il m’a alors appelée pour me le proposer directement, sans passer d’audition. J’étais hallucinée et si heureuse. Je dévorais ses films quand j’étais jeune. Car étant née à Narbonne, ils faisaient partie des rares auxquels je pouvais m’identifier spontanément, contrairement à ceux qui se déroulaient à Paris. Et ça rejoint les mots de Maria Schneider quand elle explique que ce qui est magique dans ce métier, c'est de rencontrer quelqu'un que tu admires et avec qui tu vas travailler. J’ai eu la chance de le vivre

Seule comme Maria au Théâtre de l’Athénée jusqu’au 23 mars. Réservations : https://www.athenee-theatre.com/saison/spectacle/seule-comme-maria