Le milieu a peur de perdre son principal financeur.
Canal+ ne diffusera plus de rencontres de Ligue 1 sur la période 2020-2024. Le groupe a perdu les droits de retransmission télé suite à un appel d’offre, et la Ligue de football professionnel vend à l'agence MediaPro et à beIN Sports les principaux lots contre 1,153 milliards d’euros par an (soit une hausse de 60 % par rapport au dernier contrat). Un énorme coup dur pour Canal+, qui a déjà perdu de nombreux abonnés durant les deux dernières années.
Et ce « big bang », comme le titre L’Équipe, devrait également avoir des conséquences sur le cinéma français : la chaîne cryptée a l’obligation d’investir 12,5 % de son chiffre d’affaires dans le pré-achat de films européens, ou bien investir au minimum 3,62 euros par mois et par abonné dans des longs-métrages en langue française. Ce qui représente environ 160 millions d’euros par an, soit une centaine de films. Et si le chiffre d’affaires de Canal+ s’effondre avec la perte des droits télé du football, comme de nombreux analystes l’estiment (sans foot, les désabonnements devraient être nombreux), alors l’argent reversé au cinéma français chutera proportionnellement.
« Les accords signés en 2015 entre le septième art et Canal+ s’appliquent quoi qu’il arrive jusqu’à la fin 2019 », assure au Monde Marie Masmonteil, dirigeant du collège cinéma du Syndicat des producteurs indépendants. Elle ajoute qu’au « Festival de Cannes, les dirigeants de Canal+ nous ont dit qu’ils feraient évoluer le modèle s’ils perdaient les droits du football, en nous prévenant qu’ils risquaient de perdre 1 à 2 millions d’abonnés ». « C’est un séisme », résume Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques. « L’an dernier, dans un contexte tendu pour la production cinématographique, la réduction du chiffre d’affaires de Canal+ s’est déjà soldée par un financement inférieur de 40 millions dans le cinéma par rapport à 2016 ». En 2014, le producteur Alain Terzian prévenait déjà que « l'avenir du cinéma français se joue sur un terrain de foot ».
Maxime Saada, président du Directoire du groupe Canal+, a tenté de minimiser l’affaire sur Europe 1 : il juge ainsi « impossible » et « totalement déraisonnable » d’acheter les droits du football au prix où ils ont été vendus. « C'était impossible pour nous de miser de telles sommes et je crois que c'est impossible pour un quelconque acteur de miser de telles sommes ». « Deux ans, c'est loin, il peut se passer tellement de choses entre maintenant et 2020 », assure-t-il. Et il jure ne pas croire à l’effondrement des abonnements : « C’est un scénario et il y a un autre. Canal + s'est réinventé plusieurs fois. Il y a des moyens de se réinventer. On a un dispositif qui nous permet de résister à beaucoup de choses (…) On a une offre généraliste, le Top 14, la Formule 1, la boxe, les séries, les créations originales de Canal +... Il n'y a pas un abonné à Canal + qui ne regarde que la Ligue 1. J'entends des chiffres fantaisistes sur la moitié de nos abonnés. Ce n'est pas vrai. Il y a deux millions de nos abonnés qui regardent occasionnellement de la L1 mais cela peut être moins d'un match par mois. Nos abonnés regardent essentiellement du cinéma, des séries ».
Canal+, également cernée par la concurrence de Netflix et OCS, a dernièrement tenté de réagir à l’hémorragie d’abonnés et proposera à la rentrée une offre à moins de 10 euros par mois, visant les moins de 26 ans. Ces derniers « pourront souscrire à la chaîne Canal+ pour la première fois à 9,95 euros au lieu de 19,90 euros par mois, sans engagement ». Il sera alors possible de regarder les chaînes et les programmes de Canal+ via myCanal sur mobile, PC et tablette.
Commentaires