Anthologies, mini-séries et saisons raccourcies sont le leitmotiv des chaînes désormais.
L'époque des séries à rallonge, délayées sur des saisons interminables de 22 ou 24 épisodes, c'est fini. Avec l'avènement des chaînes câblées, des réseaux de streaming et la généralisation du téléchargement, le téléspectateur croule sous une offre de programmes toujours plus vaste, toujours plus variée. Rendez-vous compte : 410 séries américaines ont été diffusées en 2015 !
Dans un tel contexte, pas question de tout regarder. Le consommateur de petits écrans doit faire des choix. Il ne veut plus passer 22 heures devant une même série, entre septembre et mai. Trop long, trop chronophage, trop fastidieux aussi. Ras le bol des histoires étirées jusqu'à devenir insipide. Ras le bol des séries sans vision, qui n'existent que pour occuper du temps d'antenne à l'année et qui sont finalement supprimées un jour, sans prévenir et sans conclusion.
HBO avait déjà tout compris
Les téléspectateurs veulent de la qualité. De la qualité façon HBO, qui applique un modèle créatif divergent depuis de nombreuses années. A l'époque où les feuilletons fleuves étaient rois (Urgences, Desperate Housewives, Buffy, Ally McBeal...), le network à péage proposait déjà des séries autrement, s'exprimant avec des saisons courtes, de 12 ou 13 épisodes maximum (Six Feet Under, Les Soprano ou The Wire). Une façon bien différente de penser les TV Shows, loin des saisons à rallonge conçues depuis 30 ans par les grands networks.
Showtime et AMC, qui se sont lancées dans la création de programmes originaux au début des années 2000, ont suivi ce modèle : Homeland, Ray Donovan, Breaking Bad ou plus récemment Penny Dreadful, ne dépassent jamais 12 épisodes par saison. Et le public a adhéré. Il s'est laissé séduire par cette nouvelle façon de voir les séries. Pendant ce temps, HBO a encore évolué et raccourci ses programmes : la chaîne exécute désormais une politique assez claire en la matière : ses shows ont droit à 10 épisodes par an, pas plus. C'est le cas de Game of Thrones, Veep, Girls ou plus récemment The Leftovers.
Netflix et son "binge-watching"
Le tendance du "plus en plus court" a même conquis les professionnels. Depuis 2007, l'Emmy Award du meilleur drama (le prix le plus convoité du petit écran) a en effet systématiquement été remis à une saison ne dépassant pas 12 épisodes (Les Soprano, Mad Men, Breaking Bad, Homeland et Game of Thrones). Et le phénomène ne fait que s'accentuer, avec l'apparition des réseaux de streaming. Sur Netflix, on ne fait pas plus de 13 épisodes par saison. Sur Amazon et Hulu, c'est 10 épisodes maximum. Un format qui colle parfaitement avec l'idée du "binge-watching", promue à l'extrême par ces diffuseurs du XXIe Siècle.
Le compromis de la saison coupée en deux
Face à cette course au raccourcissement, les grandes chaînes américaines (Fox, ABC, NBC, CBS et CW) commencent à réagir. Elles qui ont dicté pendant longtemps leur modèle à 22 épisodes, doivent aujourd'hui s'adapter à la nouvelle demande. Elles commencent ainsi à proposer des séries plus courtes, comme Agent Carter et Legends of Tomorrow. Mais elles ont surtout trouvé une parade, pour ne pas bouleverser totalement leurs programmations : diviser les saisons de 22 (ou 24) épisodes en deux parties distinctes, racontant deux histoires différentes, en s'appuyant notamment sur la traditionnelle pause hivernale. Once upon a time procède ainsi depuis trois ans avec succès, sur ABC. Pretty Little Liars fait la même chose sur Freeform, tout comme Gotham sur la Fox ou Teen Wolf sur MTV. Cela permet une narration plus consistante, moins délayée dans le temps et supprime au passage une bonne partie de épisodes bouche-trous.
La folie des anthologies
Pour aller plus loin dans cette idée d'une intrigue toujours plus ramassée, les chaînes américaines ont ressorti du placard un vieux concept, celui de l'anthologie, qui cartonnait dans les années 1950-60, à l'échelle de l'épisode, avec La Quatrième Dimension ou Alfred Hitchcock présente. Concrètement, dans la version moderne de l'anthologie, chaque saison est indépendante et raconte une histoire complète. Seul un thème, un genre ou un personnage fait le lien entre elles. Dans sa construction, l'anthologie se rapproche un peu plus d'une œuvre cinématographique, divisée en plusieurs parties. Elle permet ainsi une vision plus aboutie, une esthétique soignée ou une identité plus marquée. L'anthologie permet aussi de s'offrir un casting plus prestigieux (on a vu ces dernières années Matthew McConaughey, Colin Farrell, Rachel McAdams, Billy Bob Thornton, Kirsten Dunst, Lady Gaga, John Travolta...), puisque les stars peuvent signer et repartir dans la foulée, sans être bloquées par l'agenda hyper-contraignant d'une série classique.
Encore une fois, les chaînes du câble ont senti le coup avant les autres. FX a lancé son American Horror Story en 2011 et brille depuis peu avec Fargo et American Crime Story. De son côté, HBO a fait fort avec la première saison de True Detective. Les téléspectateurs se sont massivement passionnés pour ces séries aux intrigues finies, qui se regardent en quelques semaines et non plus en quelques années. Du coup, les grandes chaînes aussi commencent à s'aventurer sur le terrain de l'anthologie. ABC propose depuis l'an dernier son American Crime (avec Felicity Huffman) et CW prépare pour l'an prochain un retour de Tales from the Darkside, anthologie horrifique lancée dans les années 80 par George A. Romero.
La France s'y met de façon spectaculaire
Le reste du monde suit cette tendance du "toujours plus court". En Grande-Bretagne, il est de tradition de faire des séries limitées dans le temps, composées des saisons peu chargées, avec comme exemple extrême l'excellent Sherlock de Steven Moffat, qui ne compte que trois épisodes par an. Chez nous, les créations originales Canal + ont toujours privilégié des modèles courts (avec des saisons de 8 ou 10 épisodes). Mais depuis un an, la tendance forte est carrément aux mini-séries (comprenez une série limitée à une saison de quelques épisodes). Il y a eu le carton de Disparue, sur France 2, au printemps 2015. Le hit Une chance de trop (avec Alexandra Lamy) à l'automne dernier et le phénomène Le Secret d'Elise, en ce mois de février 2016, sur TF1. Durant quelques semaines, elles passionnent les téléspectateurs (qui savent qu'ils n'auront pas à patienter des mois ou des années pour avoir le fin mot de l'histoire) et s'évaporent dans l'air du PAF.
Les vieux shows à l'ancienne ne sont pas enterrés
L'idée qu'une bonne série s'appuie d'abord sur une vision et un calendrier court a donc fait du chemin, chez les diffuseurs, comme chez les spectateurs. Pour autant, force est de constater que les vieux shows à l'ancienne ne sont pas complètement enterrés. Même s'ils cèdent de plus en plus de terrain, NCIS, Arrow, Modern Family, The Big Bang Theory, Grey's Anatomy, Scandal, Madam Secretary et leurs grosses saisons à 22 ou 24 épisodes sont encore les rois de l'audience aujourd'hui, à la télé US.
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