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Douze ans après la dernière série Star Trek sur petit écran, Discovery revient faire un tour à la frontière de l'infini. Avec beaucoup de nouveautés dans ses valises.

Quand Star Trek : Enterprise s'est achevée en 2005, pas un fan n'aurait osé imaginer que la franchise allait abandonner le petit écran pendant plus d'une décennie. Douze longues années qui ont finalement mené à Discovery, nouvelle série qui fera ses débuts en France ce lundi sur Netflix. Objectif : remettre l'église au milieu du village en épousant une tradition vieille de plus de cinquante ans, tout en allant là où aucune série Star Trek n'avait osé mettre les pieds jusqu'ici. Bref, réinventer le mythe en douceur pour l'adapter à l'époque.

L'histoire se déroule dix ans avant les débuts du capitaine Kirk et de Spock à bord de l'Enterprise. Une période de la saga jusqu'ici vierge, durant laquelle un chef Klingon - les traditionnels antagonistes de Star Trek - tente de rallier les 24 maisons de son espèce, ce qui mène rapidement à une guerre froide avec la Fédération des planètes unies.

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Il y a quelques semaines, dans les studios Pinewood de Toronto, le producteur et scénariste Ted Sullivan nous faisait visiter les impressionnants décors de Discovery (déjà un spectacle en soi : l'intérieur des vaisseaux est reproduit à l'échelle, chaque bouton et écran du décor est en état de marche, on se croirait propulsé dans l'espace). Il nous parle d'un Star Trek "réinventé", qui "ausculte le monde d'aujourd'hui. On essaie de faire une série qui représente la société actuelle, là où nous en sommes et ce vers quoi nous pourrions tendre. Cela a toujours été la marque de fabrique de la franchise". Pour preuve ce casting varié, composé d'une héroïne noire (Sonequa Martin-Green, ancienne de The Walking Dead), du seul personnage ouvertement gay de la série (Anthony Rapp, qui explique que "dans le monde de Starfleet, ce n'est pas important. La relation que j'ai est traitée exactement de la même façon que celles des autres personnages") et d'une femme capitaine asiatique (Michelle Yeoh).

"Le pouvoir de l'androgynie"

Deux vaisseaux seront également pour la première fois au coeur du show, avec d'un côté l'U.S.S. Discovery dirigé par le capitaine Gabriel Lorca (Jason Isaacs) et de l'autre le Shenzhou, mené par Philippa Georgiou. Mais la production se fait étrangement discrète sur les implications scénaristiques des deux navires. "Ce sont deux styles de leadership très différents. C'est quelque chose qu'on n'a pas encore vu dans une seule série Star Trek : deux capitaines qui ont des méthodes très éloignées. Le leadership féminin et le leadership masculin. Ils ont beaucoup en commun mais énormément de contrastes dans leurs personnalités", résume Sonequa Martin-Green, dont le personnage de premier officier Michael Burnham - une humaine - a excellé à l'Académie vulcaine et sera le seul à faire la navette entre les deux vaisseaux. "Ça en dit beaucoup sur le niveau intellectuel de Burnham. Elle est très disciplinée et sa partie vulcaine est très représentative de qui elle est".

Son prénom masculin vient directement de Bryan Fuller, à l'origine showrunner de Discovery, qui a quitté la série pour divergences d'opinion (il souhaitait notamment se diriger vers une anthologie). "Les personnages de Bryan ont toujours un prénom d'homme", reprend Sonequa Martin-Green. "En l'occurrence, son prénom vient de son père, qui s'appelait Michael Burnham. Mais ça veut dire beaucoup de choses : c'est le pouvoir de l'androgynie que l'on retrouve dans le futur. J'imagine que beaucoup de choses de la société ont été améliorées !"

Pas la seule influence de Fuller sur cette nouvelle itération de Star Trek : Ted Sullivan avoue que le créateur d'American Gods leur a "laissé beaucoup de choses" en quittant le projet. "La réalité, c'est qu'on élaboré une version de la série qu'il avait mise en place. On a hérité d'un programme, mais comme pour toute série, on fait des ajustements en avançant".

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Des Klingons très différents

Moderne dans son propos et ses ambitions, le show veut parler à tout le monde, les anciens fans comme les nouveaux venus. Ce qui a forcé l'équipe à utiliser une construction sérielle contemporaine : finie l'époque où une intrigue trouvait sa conclusion à la fin de l'épisode de la semaine, Star Trek : Discovery vise logiquement une narration étalée sur la totalité de sa première saison de quinze épisodes. Anthony Rapp, qui joue le scientifique Paul Stamets, évoque une "ère différente du storytelling. Notre série permet de voir nos personnages évoluer, dont celui de Sonequa. Ce qui reste des anciennes séries, c'est un regard intelligent sur la société, le mystère de l'univers et l'espoir d'une découverte importante. Et sur le chemin, il y a des conflits".

Des Klingons principalement, dont le vaisseau-cathédrale est directement inspiré du travail de Gaudí. Mettre les pieds à l'intérieur, c'est se retrouver projeté dans une version steampunk-SF de la Sagrada Família. Bluffant. "Il y a 24 maisons de Klingons, et toutes sont très différentes", reprend Ted Sullivan. "Avant, les aliens étaient toujours les mêmes. Là on observe des croyances très différentes, des gens qui sont à l'opposé les uns des autres, avec leurs planètes, leurs cultures et leurs physiques différents".

Une notion de mélange des cultures qui reste chevillée au corps de Star Trek. Discovery ne fera évidemment pas exception et explorera en profondeur les interactions entre les membres de l'équipage et les extraterrestres. Sonequa Martin-Green : "La différence, c'est qu'on vit ça de l'intérieur aussi, au coeur de Starfleet. Quels sont les fondamentaux dans nos cultures qui nous permettent de vivre ensemble ? On ne peut comprendre les autres que quand on se comprend soi-même. Et c'est quelque chose qui, à mon avis, nous parle très clairement, SURTOUT avec le climat socio-politique actuel !


Un enjeu mondial

Diffusée outre-Atlantique sur CBS All Access (la plateforme numérique de la chaîne) et pratiquement partout ailleurs sur Netflix, la série aurait très bien pu être proposée directement en intégralité. Mais la production a fait le choix d'une diffusion au goutte à goutte plus traditionnelle, semaine par semaine, à l'opposé du binge-watching : "Jason Isaacs m'a dit que quand il a fait The OA, après un mois la série commençait déjà à disparaître des écrans radars", explique Sullivan. "Je trouve que la vie de la série est plus excitante comme ça. On a la liberté du câble, avec la possibilité de raconter l'histoire à la longueur qu'on veut, sans limite de temps par épisode, et tout le bénéfice du semaine par semaine. On veut que les gens se demandent ce qui va se passer la prochaine fois. Et comme chacun de nos épisodes va se terminer avec un twist fou, Discovery s'y prête parfaitement".

Conscient que la fascination qu'exerce Star Trek aux États-Unis n'est pas égale partout dans le monde - la série peut facilement être vue comme typiquement américaine, avec l'obsession pour l'exploration en héritage de la construction même du pays -, il assure qu'il s'agit "d'une série diffusée mondialement et on l'a en permanence en tête. Nous sommes tous sur ce vaisseau qu'on appelle la planète Terre et qui se promène dans l'espace. L'enjeu, c'est arriver à s'entendre entre nous sur le pont. C'est ce dont parle le mieux Star Trek". Une vision qui colle parfaitement avec les valeurs philosophiques et humanistes de la série créée par Gene Roddenberry en 1966. La boucle est bouclée.

Star Trek : Discovery, un épisode chaque lundi sur Netflix à partir du 25 septembre.