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Albert Dupontel n'a jamais caché son admiration pour le réalisateur Terry Gilliam, ex-membre des Monty Python reconverti en cinéaste débordant d'imagination. Hasard du calendrier : les prochains films des deux réalisateurs sortiront à quelques semaines d'intervalle : L'Imaginarium du Docteur Parnassus, de Gilliam, est prévu pour le 11 novembre prochain, tandis que Le Vilain, signé Dupontel, sortira le 25 du même mois. Interview exclusive de Dupontel qui revient sur sa passion pour un univers, un style et un homme hors du commun.par François Grelet.Pourriez vous résumer le rapport que vous entretenez vis à vis de Terry Gilliam et de son cinéma?"Brazil" fut une des raisons qui me donna envie de faire du cinéma... Il y avait dans ce film tous mes cauchemars et tous mes rêves... Une identification totale avec le personnage de Jonathan Pryce et avec son destin à la fois pathétique et magnifique, le tout doublé d'un savoir faire et d'une imagination visuelle qui me stupéfia... Je connaissais les Monty Python (héros de ma jeunesse) mais je n’imaginais pas que Gilliam, partant de ces délires, pouvait arriver à ce film visionnaire et implacable.Je l'ai rencontré lors de la présentation du "Créateur" à Londres et Terry Jones (lui aussi artiste génial qui me fit l'honneur, après avoir vu "Bernie", de venir jouer le petit rôle de Dieu dans le film) m' avait dit qu'il viendrait avec un ami. C'était Maître Gilliam et j'étais forcément ému et surtout impressionné.Après la projection, il a été très curieux du film et de son mode de fabrication et on est resté à parler jusqu'à 1h du matin sur un trottoir londonien. Le personnage était exactement comme je l'avais imaginé... Enthousiaste, vif, curieux, d'une énergie hallucinante, en un mot "Bigger Than Life" comme ses films... Sa curiosité et sa considération m'ont fait un bien fou. Son Cinéma est un chaos parfaitement maîtrisé entre fantasmes et cauchemars et dont la base est une vision implacable et nette de la condition humaine. Il aime profondément "l'homme" dans son essence mais le vilipende avec rage dans ses travers et son ridicule. Son cinéma oscille entre les 2 extrémités de la vie à savoir la mort ou l'enfance... "Jabberwocky", "Time bandits" "Munchausen" ou encore "Parnassus " évoquent par le biais des contes pour enfants toutes les angoisses de l'adulte, le temps qui passe, l'imaginaire perdu, l"'autre" que l'on rêve mais que l'on ne retrouve plus... "Brazil", "L'Armée des 12 singes", "Fisher King" entre autres sont eux des réquisitoires implacables et acérés contre la bêtise humaine et ses conséquences mais ce qui fait surtout la force de son Cinéma, c’est l'élégance de ses mises en scènes qui rendent les thèmes évoqués si séduisants et si marquants. Il raconte par des images et que des images des choses que l'on ne peut dire. C'est le propre de la vraie poésie et c'est le propre de ses films.Je suis et ai été forcément influencé par ses films mais ne me compare en rien avec ce géant.  Qu'avez-vous pensé de Parnassus?Un de ses films les plus réussis, inventif, original, d'une richesse phénoménale, avec cette adaptation de folie à la plus tragique des circonstances, en l'occurrence la mort d' Heath Ledger. Le fait d'avoir des personnages différents (Depp, Farell, Law...) est une idée que l'on sait dictée par les circonstances mais qui semble avoir été écrite pour le film tant elle est adaptée au film.   Qu'attendez-vous désormais de Terry Gilliam, en tant que metteur en scène? Comment décririez-vous son évolution?  J'attends de lui qu'il continue de tourner jusqu'à son dernier souffle et même après. Bon, ce n’est pas gagné mais il en est capable. C'est une vraie lumière dans la grisaille d'un cinéma formaté et aliénant. Son évolution est celle d'un artiste qui se cache de moins en moins de sa compassion pour l'homme sans perdre pour autant son acuité légendaire. J'attends "Don Quichotte " avec impatience.